Annihilation – Avis +

Présentation de l’éditeur

« Toute cette région était désertée depuis des décennies, pour des raisons qui ne sont pas faciles à raconter. Notre expédition était la première à entrer dans la Zone X depuis plus de deux ans et la majeure partie de l’équipement de nos prédécesseurs avait rouillé, leurs tentes et abris ne protégeant plus de grand-chose. En regardant ce paysage paisible, je ne pense pas qu’aucune d’entre nous n’en voyait encore la menace. »

La zone X est coupée du monde depuis des décennies. La nature a y repris ses droits. Quelques vestiges de civilisation subsistent dans une faune et une flore luxuriantes.

La première expédition décrit une contrée idyllique. La deuxième s’achève sur un suicide de masse. Les membres de la troisième expédition s’entretuent, ceux de la onzième reviennent amorphes et succombent à un cancer foudroyant. Nous suivons la douzième, composée de femmes. Leur mission : cartographier le terrain et ne pas se laisser contaminer par la zone X.

Somptueusement écrit, un roman saisissant, une plongée claustrophobique en territoire inconnu, à mi-chemin entre Conrad et Lovecraft, qui mêle à la perfection thriller et SF.

« Nous étions quatre : une biologiste, une anthropologue une géomètre
et une psychologue. J’étais la biologiste. Il n’y avait que des femmes, cette
fois, choisies pour intégrer l’ensemble complexe de variables qui régissait
l’envoi des expéditions. »

Avis d’Emilie

Que de choses à dire à propos de ce roman ! Le mieux est que je vous raconte une petite anecdote à son propos : j’ai commencé à le lire dans ma voiture, en attendant mon mari. Alors que j’en étais à la page 4, il est rentré. Il m’a fait une peur bleue, j’ai sursauté si fort que je me suis cognée la tête au plafond du véhicule.

Tout le livre est du même tenant. Il vous rendra claustrophobe, agoraphobe, achluophobe, paranoïaque, stressé, cardiaque. Et vous en redemanderez.

Pourtant, et c’est là le génie du livre, rien n’est dit. Certes, il y a bien quelques passages plus graphiques que d’autres. Mais l’essentiel se déroule en deux jours, et on se rend compte qu’on n’a au final pas appris grand chose. Le roman a un côté « méta ». Notre héroïne, biologiste, rédige un carnet de bord pendant son exploration de la Zone X, une région à la végétation envahissante qui s’étend petit à petit sur le monde, sans qu’on sache pourquoi ni comment. Elles sont 4 femmes à avoir pour mission de cartographier cette zone, où tout est inquiétant et bizarre. Dès le début, la narratrice annonce dans que ce journal, le lecteur le tient entre ses mains. C’est celui qu’on est en train de lire.

De fait, le lecteur est actif. Il n’est plus extérieur au livre, il en fait partie. Or, ce carnet est destiné aux organisateurs, aux hommes de l’ombre, qui sont restés en sécurité dans le monde normal. Ce sont eux qui ont formés les exploratrices, et on apprendra au fil du roman qu’ils ont omis bien des vérités. On dit « ils », mais le fait d’avoir ce carnet entre les mains, en tant que lecteur, nous fait ressentir « nous ». Car seuls ces organisateurs ont le droit et le pouvoir de lire ces journaux. De fait, le lecteur est complice, et ce sentiment de culpabilité latent participe grandement au malaise qui grandit au fur et à mesure de la lecture.

A l’image de cette curieuse Zone X, le roman est tout à fait flippant. L’écriture est technique, scientifique, superbement construite, et donc la lecture de ce roman est exigeante. Il n’est facile à aborder, pas plus qu’il n’est facile à finir. On se pose encore tant de questions !

On découvre au fil des pages la vie de la narratrice. Ces passages pourraient être plus légers, mais non. Certes, ils permettent de souffler un peu, de passer la tête au dessus de la canopée de la Zone X. Toutefois, la personnalité de notre biologiste rend ces flash-back aussi captivants que son exploration. Elle se dévoile et l’on comprend que son destin, que ce soit celui de devenir biologiste, sa mission dans la Zone X ou encore sa fin, qui n’en n’est pas vraiment une, étaient inéluctable. D’ailleurs, cette inéluctabilité est constante. On sait que ça va mal finir. On ne saura jamais pourquoi, ni comment.

Les personnages sont profondément antipathiques. Elles ne s’aiment pas entre elles, n’aiment pas vraiment leur mission non plus, et ne mettent guère de cœur à l’ouvrage. Il faut dire que la Zone X sait se faire détester. Seule notre narratrice éprouve une réelle curiosité et parvient à surmonter sa peur. Cela ne nous aide à nous identifier. L’auteur réussit néanmoins une prouesse incroyable : à aucun moment le lecteur ne réussit à s’identifier à un-e des personnages. Pourtant, une connivence et une proximité incroyables s’installent entre elles, eux et nous.

La difficulté du texte (relative tout de même, même sans rien y connaître à la biologie, on arrive à suivre) mais surtout son ambiance pesante et effrayante font qu’il ne se lit pas d’une traite. En fait, le lecteur a besoin de faire des pauses, de s’assurer qu’il n’est pas dans cette Zone X, mais bien dans son monde sécuritaire, tranquillement en train de lire. On annonce au début de cette chronique que le livre rend claustrophobe, et c’est tout à fait ça. Il vous capture l’air de rien, vous enferme, et vous met la tête sous l’eau.

On aura rarement eut autant la frousse avec un livre. Shining vous avait marqué à vie ? C’est le niveau débutant à côté d’Annihilation. Magnifique roman, on sait désormais qu’il sera le premier d’une trilogie. Les droits ont d’ores et déjà été vendus au cinéma. Gageons que le film sera pour le moins kubrickien, et on se ratatinera de trouille dans notre fauteuil.

Avis de Olivier

Premier tome d’une trilogie… on attend la suite avec impatience. Notre biologiste parviendra-t-elle jusqu’à l’île, ou sera-t-elle rattrapée par le rampeur ? Si tant est que cette île existe vraiment, sans parler du rampeur…

Un bouquin qui nous accroche comme rarement. Flippant, stressant, haletant, passionnant, fascinant. Que faut-il utiliser comme qualificatif(s) ? On aime l’écriture dense et poétique et le sentiment permanent de perdre nos repères. On n’est pas sûr d’avoir compris ce qu’il fallait prendre au premier degré ou justement pas. Mais je suis à peu près sûr que l’auteur n’a pas voulu choisir ou du moins pas toujours.

On ne peut qu’apprécier également la finesse d’imagination pour décrire les pensées des différentes personnes, entre logique, angoisses, souvenirs et hallucinations et souvent les quatre en même temps. Si tout (ou presque) est étrange, les personnages sont vrais, profonds, attachants, plausibles. A laquelle des quatre héroïnes ressemblons-nous lorsque la peur devient intense ?

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 224
Editeur : Au Diable Vauvert
Collection : Littérature générale
Sortie : 11 mars 2016
Prix : 18 €