Bordel – Avis +/-

Présentation de l’éditeur

Un bordel huppé du centre-ville de Lausanne. 70 filles. La plupart d’entre elles ont 20 ans. Ce sont de jeunes Françaises d’origine maghrébine issues des banlieues parisiennes, lyonnaises ou marseillaises. Elles viennent ici 4 jours par semaine puis rentrent incognito dans leurs familles.

Elles gagnent environ 15 000 euros par mois. Des sommes qu’elles ne peuvent pas rapatrier en France. Elles claquent leur paie en vêtements de luxe, sacs à main, chaussures, bijoux et opérations de chirurgie esthétique. Ce lieu clos est dirigé d’une main de fer par la patronne du lieu, une Française qui continue d’exercer comme prostituée.

A Lausanne, les bordels se comptent par centaines, des lieux sécurisés et propres. L’argent y coule à flots. A priori, les filles sont libres d’y entrer et d’en partir quand elles le souhaitent, mais les choses sont bien plus sombres et complexes que cette apparente liberté. Le bordel, un lieu clos, hermétique au monde extérieur.

Pour appréhender cette réalité, le récit est brut. Il relate une journée à l’intérieur du bordel. Les filles s’y entassent et tuent le temps en attendant les clients. Tous les faits relatés sont authentiques et les dialogues retranscrits sont réels.

Avis d’Emilie

Ce livre est présenté dans la préface comme un témoignage neutre, c’est à dire sans intervention de l’auteur à aucun moment. En effet, le livre ne sera fait que de retranscription de dialogues présentés en chapitres qui se succèdent pour former une journée ordinaire dans le « salon » (ainsi est appelé le bordel). On suivra principalement les putes (sic) et lors d’un chapitre, on aura droit à un dialogue entre deux gérants de salons.

L’important de ce livre, c’est de retenir que l’auteur (enfin, la journaliste qui a recueilli les témoignages, il n’est pas question de roman ici) assure qu’aucun dialogue ni scène n’a été inventé.

Il ne s’agit que de retranscriptions (mise à l’écrit de dialogues oraux). Si certains ont été coupés, ils sont tous réels. Il est important de s’en souvenir car c’est un véritable festival de clichés. En effet, tout est mis en place pour nous faire ressentir que les filles sont libres, en sécurité, gagnent bien leur vie, et sont de vraies cruches.

Elles couchent, et vont claquer leur thune (sic). Certains clients essayent de jouer les héros en voulant les sortir de là (ce qu’elles refusent) et d’autres tombent amoureux. Non, tout cet univers n’est pas « facile ». A de nombreuses reprises, les putes disent que le travail est difficile, et parfois dégueu. Mais on fait ça pour l’argent et l’argent n’a pas d’odeur.

Soit.

Toutefois en refermant l’ouvrage, on réfléchit beaucoup (ce qui est très bien, c’est ce qu’on attend de la part de ce type de narration). Mais on a aussi le sentiment d’avoir été manipulé. Cet avis ne peut être que très personnel aussi faut-il le prendre pour ce qu’il vaut. Ce n’est qu’un avis d’une lectrice. Mais on ne peut s’empêcher de penser en refermant l’ouvrage que finalement, la prostitution c’est pas si mal, ce système est plutôt bien foutu et satisfait tout le monde.

Deux cas de figure. Le premier, le lecteur n’a pas vraiment d’opinion sur la prostitution, et refermera le livre en ayant passé un bon moment, riche en enseignements. Le livre, par ailleurs, se lit très bien, est très divertissant, un peu comme une pièce de théâtre. Crêpages de chignon, grossièretés et insultes fusent tout le long. C’est très dynamique, et on ne peut s’empêcher de rire et sourire.

Toutefois, second cas de figure : le lecteur (ou lectrice, il va de soi) est plutôt contre la prostitution. Et là où le bât blesse, c’est qu’en finissant le livre, on pense que ce n’est pas si mal, ces filles sont libres, elles se font de l’argent et tout le monde est content. On y repense longtemps, et effectivement ça fait réfléchir. Il faut laisser le livre décanter pour en prendre conscience. On se sent manipulé d’avoir pu penser ça.

Parce que ce livre, qui peut paraître faire de la publicité gratuite pour les bordels suisses, est tout de même terriblement glauque. Le menu des prestations sexuelles et leur prix est publié au début du livre, à titre d’informations. Puis on apprend que les putes (je rappelle que c’est ainsi qu’elles se définissent elles-mêmes dans le livre, il n’y a ici aucune volonté d’être insultant) ont 20 ans. Après 25 ans, elles commencent à être traitées de vieilles.

La patronne, Wanda, garde quelques vieilles putes (dans les 45 ans) parce que certains clients aiment ça. Et surtout parce qu’il n’y a que les vieilles qui offrent certains prestations (fist fucking, par exemple, ou prestations plus humiliantes comme se laisser pisser dessus). Donc si elles continuer à vivre de ce travail, elles sont « obligées ». Il y a aussi les cas de ces filles qui sont attardées mentales, ou ont un problème psychiatrique. Ca ne dérange personne ? Il semble que non, les clients aiment bien, ça leur donne un aspect petite fille. Heu…

Finalement, qu’on fasse partie d’une catégorie de lecteur ou d’une autre, on ne changera pas d’avis. On restera sur nos positions. Au temps pour le livre qui nous fait réfléchir.

Le côté divertissant est cependant bien présent. On passe un bon moment, c’est vite lu (mais pas vite oublié). On est certes un peu ecoeuré par moment. Mais c’est très vivant, et si on ne conclut pas en disant que la prostitution est un métier comme un autre, au moins verra-t-on celles qui pratiquent ce métier d’un oeil nouveau.

Fiche technique

Format : broché
Pages : 221
Editeur : Belfond
Sortie : 13 mars 2014
Prix : 18 €