Chéri – Avis +

Résumé

Dans le Paris du début du XXe siècle, Léa de Lonval finit une carrière heureuse de courtisane aisée en s’autorisant une liaison avec le fils d’une ancienne consœur et rivale, le jeune Fred Peloux, surnommé Chéri. Six ans passent au cours desquels Chéri a beaucoup appris de la belle Léa, aussi Madame Peloux décrète-t-elle qu’il est grand temps de songer à l’avenir de son fils et au sien propre…

Il faut absolument marier Chéri à la jeune Edmée, fille unique de la riche Marie-Laure. Alors que le moment fatidique approche, Léa et Chéri tentent de se résoudre à cette séparation imminente tout en s’apercevant qu’ils sont beaucoup plus attachés l’un à l’autre qu’ils ne voulaient bien l’admettre.

Avis de Marnie

Peut-on apprécier un film, si nous ne sommes pas de grands adorateurs de l’histoire qui nous est racontée ? La réponse est évidente si l’on a la très bonne idée d’aller voir cette superbe évocation de la plus difficile épreuve vécue par une grande courtisane de la belle époque, le moment où d’une part, l’âge la rattrape inexorablement et en même temps, qu’elle tombe amoureuse et décide alors de se sacrifier…

Décidément, la collaboration entre le scénariste Christopher Hampton et le réalisateur britannique Stephen Frears fait une nouvelle fois merveille. Après le magnifique Les liaisons dangereuses (pour lequel Hampton avait reçu un Oscar), ils tentent tous les deux, une adaptation d’un grand roman français « en costumes ». Ici, il s’agit du livre le plus connu de Colette, Chéri, ce qui représente une véritable gageure, puisque ce roman est écrit tout en impressions personnelles et n’a pas une construction très académique. Ne cherchez pas une histoire à portée universelle, une relation sentimentale qui se perpétuerait à travers les siècles… Non, dans Chéri, l’époque a une importance fondamentale, les personnages, une place précise dans la société.

Nous sommes entre 1900 et 1910 et assistons au déclin des grandes courtisanes françaises, qui ont alimenté les gazettes et les rumeurs de la fin du XIXe siècle, séduit des rois, des présidents, des nobles, des grands noms de l’industrie et de la diplomatie, provoqué des scandales, des duels, des incidents certains tragiques, d’autres comiques, et ont amassé des fortunes considérables… Cultivées, financières souvent avisées, ayant connaissance de beaucoup de secrets des grands de ce monde, elles étaient mises au ban de la société et ne se fréquentaient qu’entre elles. C’est ainsi que les deux fausses amies, Léa de Lonval (Michelle Pfeiffer), une superbe demi-mondaine qui a dépassé les fatidiques quarante ans, et Madame Peloux (Kathy Bates), riche retraitée, se reçoivent comme des amies… la compréhension de la dure réalité de leur condition les rapproche, même si elles se détestent. Inquiète pour son insouciant de fils surnommé par Léa, Chéri (Rupert Friend), âgé de 19 ans, déjà blasé par les plaisirs de la capitale, Madame Peloux demande à son amie de le déniaiser le temps de lui trouver une épouse de leur milieu, donc aisée, bien évidemment pour consolider ses finances… Seulement, commencée comme une joyeuse et cynique liaison physique, où avec subtilité et intelligence, Léa éduque le jeune homme, six ans plus tard, ils poursuivent leurs dessins réalistes et froidement calculateurs, en occultant volontairement le fait qu’ils sont amoureux l’un de l’autre…

Nous pouvons trouver horripilant le personnage masculin, ce jeune homme gâté, immature, qui peut se montrer aussi cruel que vain… Peut-être est-ce le défaut de l’histoire, cet insupportable caractère passif, une terne personnalité qui navigue sans but, sans intérêt pour rien. On ne peut qu’applaudir la prestation du jeune et presque inconnu Rupert Friend, plus vrai que nature et donc énervant au possible ! Cependant, notre intérêt se focalise sur l’affrontement fielleux entre Michelle Pfeiffer, émouvante de dignité, et Kathy Bates, rusée et vulgaire. S’opposent le raffinement et la simplicité « classe » de la première aux détails les plus grossiers, surchargés et criards que nous offre la seconde. Nous sommes impressionnés par cette confrontation entre rôles à récompenses… D’une certaine façon, et c’est tout à leur honneur, cela rappelle les grandes heures de Bette Davis et Joan Crawford ! Pourtant, ce qui reste à l’esprit après avoir vu le film, c’est l’étonnante et bouleversante beauté de Michelle Pfeiffer, aussi fragile que forte, magnifiquement habillée par la costumière attitrée de Stephen Frears, l’excellente Consolata Boyle.

Les dialogues sont mordants, cyniques à souhait qui se fondent parmi des scènes sensuelles aussi douces que violentes où les cinq sens sont mis à contribution… De décors naturels qui évoquent un impressionnisme « moderne », riche banlieue de l’ouest de Paris, scènes champêtres en Normandie, Biarritz et son bord de mer, aux soirées de chez Maxim’s… tout est délicatement choisi, soigné, évocateur d’une époque révolue. La Première guerre mondiale balayera inéluctablement cet univers quelques brèves années plus tard, comme le temps qui marquera cruellement les traits de notre héroïne, l’emportant vers l’oubli…

Une atmosphère plus amère que douce !

Fiche Technique

Sortie : 08 avril 2009

Avec Michelle Pfeiffer, Rupert Friend, Kathy Bates, etc.

Genre : comédie dramatique

Durée : 90 minutes