– C’est vous le docteur ?
– Il y a des hommes qui ne s’en plaignaient pas.
1935, la mission dirigée par l’austère Agatha Andrews (Margaret Leighton) est un modèle de rigueur morale. Les troubles qui agitent la frontière entre la Chine et la Mongolie ne doivent pas entrer en ligne de compte. Or voici le docteur Cartwright (Anne Bancroft), portant un pantalon, fumant des cigarettes, consommant du whisky et n’éprouvant aucune crainte envers la fureur divine.
Pour Miss Andrews, il est évident que cette femme « libérée » est beaucoup plus inquiétante que les pillards mongols. En plus « sa » mission américaine a dû accueillir des rescapés d’une mission britannique ayant survécu à une attaque mongole… une attaque qui ne peut en aucun cas se renouveler sur une mission américaine!
Pour son dernier film, John Ford n’obtint qu’un budget des plus réduit et tourna en studio où il réussi l’exploit de reproduire une atmosphère exotique. Le contexte historique de 1935 (la menace japonaise en Chine et les répressions politiques en Mongolie) n’est pas évoqué.
Le vétéran de Hollywood a transposé le Far West à une autre époque. Pour information les deux principaux rôles de pillards mongols ont été tenus par un Ukrainien et un Afro-américain[[Woody Strode qui tourna trois films sous la direction de John Ford (Le Sergent Noir (1960), Les deux cavaliers (1961), L’homme qui tua Liberty Valance (1962)]] et l’illusion est parfaite!
Pour son héroïne principale, il a procédé à une synthèse de trois personnages de La Chevauchée fantastique : Ringo, Dallas et le docteur Boone (incarnation du courage, de la féminité et du dévouement, mais aussi de l’individualité, de la sensualité et de l’autodestruction par l’alcool).
Le Docteur Cartwright présente bien des caractères anachroniques. Outre son athéisme affiché, on peut envisager que l’amitié soudaine qu’éprouve pour elle la jeune Emma Clark (Sue Lyon alias la Lolita de Stanley Kubrick) n’est pas seulement de l’admiration. Cela expliquerait la colère d’Agatha Andrews, qui pourrait bien elle-même…
En fait le caractère masculin du docteur Cartwright a visiblement été influencé par John Ford qui sur le tournage surnommait Anne Bancroft ‘The Duke’, le surnom donné à John Wayne.
À la fois moderne par le propos et témoin d’une époque révolue ce dernier film tourné par une légende hollywoodienne incarne parfaitement le septième art.
*d’après le roman de Norah Lofts (Chinese Finale)