Cuisine & Correspondance – Avis +

Présentation de l’éditeur

Lilly et Val sont des amies de longue date. Pas n’importe quelles amies, les meilleures qui soient ! Elles ont des caractères très différents, des familles très différentes, mais c’est aussi cela qui fait leur force. A l’âge de 7 ans, elles ont fondé un petit club consacré à la cuisine, devenue le fil rouge de leur amitié. Depuis, les années ont passé, et elles n’ont cessé de s’envoyer des lettres et e-mails dans lesquels elles ont partagé leurs espoirs, leurs chagrins, leurs secrets les plus intimes et leurs… recettes !

A mesure que ces petites filles deviennent adolescentes, puis jeunes femmes, et enfin femmes, les lecteurs se régalent de leurs expériences de vie et de cuisine. Peu importe qu’elles ne suivent pas le même chemin, ou qu’elles ne se comprennent pas parfois, Lil et Val se retrouvent toujours grâce à leur club de recettes. Jusqu’à ce qu’un stupide malentendu mette fin à leur belle complicité. Des années plus tard, elles essaient timidement de renouer, mais une découverte saisissante risque de les séparer à jamais…

Avis de Marnie

Le vent libertaire de la fin des années 60 et du début des années 70 souffle sur cette amitié épistolaire qui reprend les recettes qui ont fait le succès de certaines chroniques des années 80 comme Beignets de tomates vertes ou autres mélodrames du style de Tendres passions. Ici, nos deux écrivaines ne prétendent pas donner de leçon sur l’évolution de la femme américaine, de cibler une catégorie de population ou encore de mettre en lumière les fêlures de la société mais plutôt de nous plonger dans l’atmosphère d’une époque.

Andrea Israel et Nancy Garfinkel ont évité avec bonheur de tomber dans les travers de cet exercice bien spécifique. Elles réussissent à faire évoluer nos deux héroïnes de façon cohérente, de 1963, où Val et Lilly ont 7 ans, à 2003, où elles atteignent l’âge vénérable de 47 ans, avec une coupure de 26 ans, entre 1974 et 2000. Les préoccupations enfantines laissent peu à peu et assez subtilement la place aux problèmes sentimentaux, professionnels et familiaux de deux adultes, plus ou moins blessées par la vie, otage de secrets qui ne leur appartiennent pas.

La grande force et le vrai intérêt de ce roman, c’est que tout cela se fait dans une atmosphère totalement imprégnée de la contestation autour de la guerre du Vietnam, le LSD et autres drogues, le mouvement hippie, le tout avec la musique de l’époque, les films, les lectures et l’envie de liberté, et bien sur les fameuses 82 recettes qui constituent le point d’orgue de cette évolution.

En effet, nos deux petites filles vont s’échanger des recettes qui sentent bon l’Amérique, totalement assimilées à ce mode de vie, tout en ayant gardé seulement quelques traditions culturelles et culinaires de leurs racines juives. Alors que les années passent, nous assistons à un melting pot joyeux et anarchique ! Le Brooklyn assez traditionnel du cheese-cake et des lasagnes, laisse la place à la nourriture asiatique, sud-américaine et surtout « indienne » où le karma et les produits naturels voient le jour ! Parallèlement, ces deux petites amies si différentes l’une de l’autre, vont grandir côte à côte témoins, victimes, et héroïnes de leur époque.

Là encore, Lilly et Val possèdent plusieurs facettes nuancées intéressantes. La première est extravertie, et même quelque peu égocentrique, adorant les garçons qui le lui rendent bien, pleine de charme, d’exubérance et peu intéressée par les études, incomprise par un père psychiatre et une mère actrice, épouse ouvertement volage et nombriliste. Val, est une enfant introvertie, moins brillante extérieurement, mais impliquée et douée pour les études, prise en mains par le père de Lilly, alors qu’elle cherche à sortir de l’étouffante emprise d’une mère dépressive, sous le regard inexpressif d’un père rêveur et absent.

Cette amitié va faire des étincelles, l’adolescence séparant peu à peu les liens très forts qui s’étaient noués. Jalousie, incompréhension, occupations, liberté sexuelle, amitiés… Val et Lilly tâtonnent, crient, chantent, pleurent, rient, se trompant, se retrouvant, jusqu’au moment où la faiblesse, les non-dits et les erreurs des adultes, entraîneront une rupture de 26 ans.

Seulement, les retrouvailles tout d’abord chaleureuses ne se feront pas sans heurt, émotion et grands sentiments. Il faut tout de même noter quelques détails agaçants concernant la traduction de certains titres de standards de jazz comme Vent mauvais, qui aurait très bien pu rester Stormy weather  avec une note en bas de page, ou encore, l’explication erronée de I’m gonna wash that man right out my hair, ici expliquée comme un air d’Ella Fitgerald, alors qu’il s’agit d’une malicieuse chanson de la comédie musicale South Pacific.

Un joli roman plus amer que doux, qui nous parle d’un Brooklyn réveillé par la musique de Mike Jagger !

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 349
Editeur : Fleuve Noir
Sortie : 14 avril 2011
Prix : 18 €