DVD : De l’enfant rêvé à l’enfant réel – Avis +

Présentation de l’éditeur

Pour la première fois en France, une réalisatrice, Andréa Negrelli, a eu le courage d’aborder ce sujet mal connu qu’est « l’attachement » dans un documentaire exclusif de 93 minutes.

Il ne s’agit pas ici de la signification banale du mot « je suis attaché à mes habitudes, à mes proches, etc. » mais bien plus ! La théorie de l’attachement décrit un phénomène universel : comment un enfant « confie » sa survie à un adulte, le plus souvent à sa mère. En cas de défaillance de celui-ci, l’enfant risque de développer un « défi » ou un « trouble d’attachement » qui peut provoquer des situations familiales très conflictuelles.

En France, cette problématique est insuffisamment connue, malgré le grand nombre de familles en difficultés. Cependant, dans d’autres pays des spécialistes, pédopsychiatres, travailleurs sociaux considèrent pleinement ce phénomène.

Après une diffusion sur Télessonne (Coproducteur) en mars 2009, ce documentaire est toujours à la recherche d’un diffuseur télévisuel National pour permettre une meilleure prise de conscience de ce phénomène auprès d’un plus large public.

Avis de Miss

Le titre « de l’enfant rêvé à l’enfant réel » n’est pas très évocateur du sujet. Puisqu’il est uniquement question d’enfants adoptés, ce DVD aurait tout à gagner à avoir un autre nom. De même, l’illustration de la pochette, où figure un sourire et des dessins enfantins, laisse présager une tonalité légère et joyeuse. C’est en fait tout le contraire : ce documentaire est très dur à regarder et le ton est plutôt dramatique.

Le mérite de ce documentaire est de donner une autre image de l’adoption. Il montre le cas de familles ayant adoptées un enfant d’origine non-occidentale (Afrique, Inde, Amérique du sud) et avec lequel le lien affectif n’a pas pu se créer. Des enfants qui tout petit ne regardent pas leur mère adoptive dans les yeux, des enfants qui refusent l’amour de leurs parents adoptifs, qui ont un mal être et font souffrir leur entourage par leur comportement déviant et parfois violent. C’est donc « un pavé dans la mare » qui remet en cause le mythe de l’adoption qui permet à un enfant originaire d’un pays pauvre de bénéficier de l’amour d’une famille, de l’instruction et du mode de vie occidental. À travers les témoignages, il se dégage le fait que ces enfants adoptés ont aussi était arrachés à leur culture et à leur milieu d’origine et qu’ils gardent une cicatrice de ce traumatisme au point de ne plus pouvoir s’attacher à un adulte.

L’incapacité des services sociaux à gérer cette situation est également pointée du doigt. Dans les exemples cités, ces enfants adoptés ont bien souvent connu différentes familles d’accueils ou foyers, renforçant l’idée que les adultes ne sont bons qu’à les abandonner. Une mère adoptive fait à ce sujet un témoignage poignant en expliquant que tant que ces enfants adoptés vivaient sous son toit, ils ont toujours été à l’école et pris en charge. À présent, placée au sein d’un foyer, l’une de ses filles de 18 ans ne va plus à l’école depuis quatre ans et elle nous raconte : « Les foyers sont ouverts 24h/24h donc les jeunes sortent et viennent ainsi à n’importe quelle heure de la nuit. Ce que l’on ne tolère pas d’une famille, l’institution se permet de le faire. »

Andréa Negrelli a réalisé ce documentaire afin de faire connaître cet autre visage de l’adoption. Cependant, plusieurs détails réduisent quelque part la capacité de ce reportage à convaincre et pourraient également en diminuer son impact sur les institutions :

– Où sont les hommes ? Il n’y a pratiquement que des mères adoptives qui s’expriment. Le seul homme est le mari de la réalisatrice. Ce documentaire fait porter l’échec aux femmes et renforce l’idée que l’éducation est dévolue aux femmes. Une fois de plus le rôle du père est mis de côté, alors que l’on sait maintenant qu’un enfant a besoin d’une figure paternelle.

– En quelle année ce documentaire a t-il était tourné ? Les professionnels de l’enfance et de l’éducation interviewées sont pratiquement toutes à la retraite et les décors (hormis la maison de la mère de quatre enfants) ne font pas actuels.
– Le fait que la réalisatrice soit partie prenante.
– L’impression de longueur car les personnes interviewées racontent sensiblement la même chose.

Pour conclure, ce reportage est noble dans le sujet qu’il traite, mais il gagnerait à être enrichi par des points de vue de spécialistes contemporains de l’enfance, par des récits d’enfants adoptés étant retournés dans leur pays d’origine et par des témoignages qui se confrontent.

C’est une belle esquisse qui doit être repris par un journaliste : un regard neutre et externe allié au professionnalisme permettra sans doutes de mieux toucher le grand public et les instances en charges de l’aide sociale à l’enfance.

Avis de Valérie

L’instinct maternel n’existe pas. Du moins, pour certains, il s’agit d’une invention pour encourager les mères à aimer et s’occuper de leur progéniture. Vrai ou faux, il faut reconnaitre que l’image d’Epinal de la mère-courage n’est pas toujours une réalité, pour preuve les derniers cas d’infanticides révélés il y a peu (alors que le phénomène a toujours existé). Parallèlement, il y a des femmes qui, pour des raisons psychosomatiques, physiques ou autres, ne peuvent pas enfanter. Une partie de ces familles vont se tourner vers l’adoption d’un enfant étranger, car les conditions de qualifications pour adopter sur le territoire national sont plus difficiles, et lorsqu’on cherche à aimer un enfant, une volonté d’abnégation réelle ou idéalisée peut pousser à préférer un bébé ou un petit orphelin venant de pays en guerre ou ayant vécu des conditions de vie extrêmes.

Comment imaginer qu’un enfant à qui on donne une chance de s’en sortir, un enfant que l’on va aimer, que l’on va gâter, éduquer, nourrir et soigner puisse reporter sur nous son angoisse, sa peur de l’abandon et sa violence. Qui est dans l’erreur, l’enfant ou l’adoptant ?

Des spécialistes de l’adoption à l’étranger ont défini un sentiment qui s’acquiert majoritairement à la naissance : « l’attachement ». Cette fameuse magie qui lie un nourrisson à sa mère, par exemple, cette confiance qui se créée a été mise à plat, disséquée et analysée. Il s’agit d’un préalable obligatoire et nécessaire à la bonne marche de l’adoption. Sans cet attachement, l’adopté sera toujours en guerre vis à vis de ceux qu’il assimilera à des ravisseurs.

Lors d’une naissance, l’enfant s’attache à sa mère, même si cette dernière n’est pas fiable. Ce n’est pas un travail inné, il s’agit d’un ensemble d’événements résumant la protection d’un aîné envers un petit. Lorsqu’il y a abandon ou mort, l’enfant perd son référent. Et même s’il est très petit, il se peut qu’il ne s’attache plus par la suite.

Voici le drame autour duquel se noue ce documentaire. Andréa Negrelli, la réalisatrice, et son mari ont vécu cette situation. Tout l’amour, toute la patience, tout le matériel ou le moral qu’ils ont pu apporter à leur petite fille adoptive n’a pas suffit et a conduit à la rupture. Leur douleur les a poussé par la suite à chercher autour d’eux des expériences similaires. Le travail de recherche que la réalisatrice a ensuite effectué a donné ce documentaire qui outre le très grand intérêt du sujet et tourné avec énormément de délicatesse et de sensibilité.

Basé principalement sur des témoignages d’enfants et de parents, le long métrage se découvre avec stupéfaction car, il faut l’avouer, nous aussi nous avions pensé que le processus était aussi simple que l’adoption d’un chiot, sans que cela soit péjoratif. Nous avions oublié le principal, l’enfant est doté d’une « âme » qui le différence, le personnalise et lui donne une profondeur que l’on soupçonne pas. Des psychologues ou travailleurs sociaux sont également interviewés et apportent le contrepoint technique nécessaire pour valider le travail d’assemblage et de réflexion.

S’il s’agit d’un vraiment très bon documentaire tant par la réalisation, que le montage ou la narration, c’est aussi un sujet vital, premièrement pour les futurs parents adoptifs, mais également pour tout à chacun car il permet d’actualiser nos connaissances sur l’humain. La seule victoire de cette bataille est la compréhension de cette impuissance à faire le bien malgré « eux », et Andréa Negrelli était la personne qu’il fallait pour transmettre ces données nouvelles pour les Français.

Indispensable.

Fiche Technique

Genre : documentaire
Durée : 93 minutes
Sortie : juin 2009
Prix : 24 €, en vente sur ce site marchand
Informations complémentaires : sur le site de l’auteur