Présentation officielle
Tandis que les trois sœurs écrivent des romans et des poèmes, leur frère, épris d’une femme qui refuse de l’épouser, s’adonne à l’alcool et à la drogue.
Avis de Claire
Par quelle mystérieuse magie de jeunes anglaises isolées dans la campagne la plus sombre et la plus reculée du Yorkshire ont-elles pu écrire certaines des oeuvres aussi puissantes, dont deux authentiques chefs-d’oeuvre, Jane Eyre et Les Hauts de Hurlevent ?
Telle est la question qui semble hanter le film du réalisateur André Téchiné, et qui, par extension, pose le problème de la création littéraire. Paradoxalement, on voit peu les soeurs lire, ni même écrire, comme si le mystère devait finalement demeurer entier.
Pascal Bonitzer et André Téchiné se sont attachés à respecter dans le scénario les faits historiques purs, refusant en bloc toute scène brodée. Tourné dans les lieux mêmes de l’action, avec des décors et des costumes minimalistes, le film laisse la part belle au naturel, suggérant ainsi que les soeurs ont trouvé la matière de leurs livres dans leur quotidien.
On reconnait des passages entiers des poèmes d’Emily, pendant ses
La plus vive, Charlotte, est incarnée avec une assurance calme par la regrettée Marie-France Pisier, qui donne dans ce rôle de féministe avant l’heure, le meilleur d’elle-même. Isabelle Huppert, malheureusement, ne convainc guère, en Anne la discrète. Trop neutre.
Chacune des grandes étapes de la vie des enfants Brontë sont traitées comme autant de différents épisodes, diverses péripéties d’une vie morne et terne où il ne se passe presque jamais rien. Sans doute réside là le secret de leur imagination débordante.
Si Branwell, le frère, sur lequel reposent trop d’espoirs, n’a fait que passer à côté de la vie, la consumant par tous les bouts, les soeurs n’ont eu de cesse de vivre dans un véritable dénuement. Emily entretient une relation fusionnelle avec lui. Dans le rôle, Pascal Greggory porte admirablement sur lui les stigmates de Heathcliff, héros des Hauts de Hurlevent.
André Téchiné oscille entre le clair-obscur (la sauvagerie des landes se prête particulièrement à ces effets) et les couleurs fauves, à la préraphaélite, certaines scènes sont de véritables reconstitutions dans le style de Dante Gabriel Rossetti ou de William Hunt, notamment pour les coiffures. Autre référence picturale, celle des images d’introduction, dans un café dans lequel Branwell se perdra, et où l’on reconnait sans peine un esthétisme populaire à la Hogarth.
Notez que le célèbre sémiologue Roland Barthes incarne le grand romancier britannique William Thackeray [[Auteur des Mmoires de Barry Lyndon adapté par Stanley Kubrick 1975 et auquel on pense inévitablement pour le traitement de la lumière]], ce caméo d’un théoricien littéraire à une oeuvre sur la création littéraire sonne presque comme un adoubement.
Unique bonus, un documentaire, Les Fantômes de Haworth, un peu mince, mais qui a le mérite d’exposer clairement les parti-pris du
Ce biopic[[Un nouveau biopic est en préparation pour 2013, écrit par Angela Workman, diplômée de Yale et scénariste de The War Bride]], que d’aucuns pourraient qualifier de lent et terne, a choisi de privilégier la sobriété, la rigueur, l’économie des mots et des gestes au détriment de la fougue et de la passion que l’on connaît dans les oeuvres des Brontë.
Une fois ce postulat accepté, le film laisse une impression étrange, et l’on se plaît à penser qu’il s’agit presque d’un témoignage, sans doute assez proche de la réalité, entre rêverie et austérité.
Fiche technique
Sortie : le 16 mai 2012
Durée : 115 minutes
Avec : Isabelle Adjani, Marie-France Pisier, Isabelle Huppert, Pascal Greggory…
Disque : 1
Editeur : Gaumont
Prix : 16,99 €