De la liberté de la presse en France

Suite à l’article d’Arrêt sur images sur la possibilité que les « journalistes » du Petit Journal perdent leur carte de presse, plusieurs questions se posent.

Le débat n’est pas tant sur le Petit Journal, que l’auteur de ces lignes ne connaît pas si ce n’est de nom, et le conflit supposé ou présumé avec le Front de Gauche. Non, le débat réside sur cette fameuse menace de retrait de la carte de presse.

Avant de revenir à ce point central, rappelons que Reporters sans frontières a classé en 2010 la France au 44e rang mondial concernant la liberté de la presse.

Ainsi, comme le signale le groupe d’études de l’Académie des sciences morales et politiques la France souffre de deux paradoxes[[La Liberté de la presse – Le Paradoxe français, Sous la direction de Jacques Leprette et Henri Pigeat, Puf, 2003, page 3]]. Premièrement il a fallu 100 ans entre la déclaration initiale sur la liberté de la presse dans la constitution de 1789 et la transcription sous forme de loi en 1881. Deuxièmement « les gouvernements de droite comme de gauche n’ont jamais cessé de tenter de restreindre la liberté de la presse » car « les intérêts collectifs définis par l’Etat ont presque toujours été préférés à ceux de la libre expression« .

Cela n’est au final guère étonnant car comme le rappelait Max Stirner Une liberté de la presse n’est qu’un permis d’imprimer que me délivre l’État, et l’État ne permettra jamais, et il ne peut jamais librement permettre, que j’emploie la presse à l’anéantir.

Si nous observons ainsi le paysage français, nous constatons que hormis quelques journaux comme le Canard Enchaîné, nous parlons uniquement des journaux d’informations politiques, tous sont liés de par leurs investisseurs soit à des compagnies d’armements, soit à des banques d’affaires ou encore des grands groupes français et que de surcroît ces investisseurs sont très proches, voire amis intimes, d’hommes politiques.

La question de l’indépendance médiatique se pose déjà de par ce fait. Or c’est bien cette indépendance que l’on évalue en parlant de liberté de la presse. Les deux concepts se recouvrent réciproquement. On ne peut dire que la presse est un quatrième pouvoir si ce dernier est sous contrainte ou agit sur mandat.

Ainsi la contrainte sur le journaliste s’exprime de plusieurs façons. Outre la peur de se faire virer du jour au lendemain si un article déplaît à l’ami de son patron, pour avoir le statut de journaliste il lui faut la fameuse carte de presse. Carte de presse délivrée par une commission paritaire instituée par l’Etat et composée à parts égales des journalistes et de leurs employeurs. On comprend qu’il y ait un statu quo si ce n’est explicite du moins implicite. En physique mécanique on parlerait d’hyperstatisme.
De plus cette carte de presse donne bon nombre d’avantages notamment l’accès à une fiscalité réduite. Il est donc avantageux de la conserver et de ne pas trop gêner.

Citons encore la fameuse commission paritaire sur les publications qui donne ou non un agrément. Cet agrément permet d’avoir des avantages fiscaux et une TVA réduite ce qui joue directement sur le prix de vente. Souvenons-nous que le Virus Informatique s’en était vu privé. Rien de plus aisé de condamner à la banqueroute un magazine qui déplaît, il suffit de lui retirer, ou refuser sa commission paritaire. Si le magazine ferme les journalistes perdent une partie de leurs revenus, et l’année d’après c’est la carte de presse qui saute.

La liberté de la presse en France est ainsi une liberté entravée de nombreuses chaînes. Alors qu’Internet permet d’outrepasser les problèmes évoqués plus haut puisqu’il est facile de publier à moindre coût, rapidement et de diffuser au plus grand nombre, ne nous étonnons donc pas des lois visant justement à restreindre cette liberté et cette facilité, à savoir HADOPI, LOPPSI 2, etc.

Ce n’est que l’Etat qui siffle la fin de la récré. Max Stirner avait raison.