Domino – Avis +

« D’après une histoire vraie… ou presque« , c’est ainsi que débute le dernier Tony Scott (Top Gun, True Romance), symbole annonciateur de la légereté et de la roublardise avec lesquelles le scénariste Richard Kelly (le culte Donnie Darko), s’est décidé à traiter le phénomène Domino Harvey. Du début à la fin, le récit naviguera entre réalité (les grandes lignes) mais surtout fiction, fantasme, voir même trip sous acide (au propre comme au figuré).

A l’instar d’un Tarantino, la narration de Domino est éclatée, rendant volontairement difficile à suivre une intrigue qui ne verse pourtant pas dans une complexité démesurée. Le tandem pousse le vice jusqu’à mentir au spectateur en mettant en scène de fausses pistes qu’ils effaceront plus tard d’un bon coup de baguette magique, ou plutôt de « rembobinage ».

En intégrant de nombreux éléments de pop culture dans le récit, mais une culture de la masse actuelle, puisqu’on y parle notamment du Jerry Springer Show – ce que la trash TV a engendré de pire – et de Beverly Hills 90210 – la face lisse et factice des USA -, Kelly nous dépeint l’Amérique dans ses travers les plus sordides, Domino tirant plus sur le western sauvage et trash que sur le film hollywoodien typique et aseptisé. Si l’importance des médias fait donc indéniablement parti des thêmes traités dans Domino, il faut se rendre à l’évidence, Scott comme Kelly n’ont pas grand chose à dire sur le sujet, si bien qu’on ne décolle jamais réellement du pur divertissement. Nous sommes donc loin de la virulence d’un Natural Born Killers (écrit par Tarantino, réalisé par Stone) !

Tête d’affiche d’un casting luxueux regroupant notamment des monstres vivants tels que Mickey Rourke et Christopher Walken, la frêle Keira Knightley (Love Actually, King Arthur) avait-elle la carrure nécessaire pour interpréter de manière crédible cette ex-mannequin devenue chasseuse de primes ? Oui, mille fois oui, Knightley impressionne de bout en bout et représente la parfaite combinaison de sex appeal, d’arrogance et de détermination pour donner corps à son personnage. On peut donc légitimement se demander qui d’autre aurait pu incarner Domino avec un tel brio ?

Devenu maître dans la réalisation de séries B d’action décomplexées, le cadet des fréres Scott semblait avoir trouvé un style bien à lui avec le remake de Man On Fire. Côté réalisation, on nous ressert donc la même formule tout en prenant soin de passer la démultipliée, à savoir montage quasi-épileptique aux innombrables effets de style, les sous-titres à foison et les filtres criards qui monopolisent la grande majorité du film. Force est de constater que le résultat dépasse de très loin tout ce que l’on a pu voir ou entendre au cinéma et ferait passer Michael Bay (Bad Boys II) pour un apôtre du plan séquence. Un poil fatiguant ! Hystérique donc mais forcément stylée à l’extrême, déjantée, mythomane et un brin roublarde, cette biographie s’avère trop expérimentale pour plaire à la masse et trop bas de plafond pour séduire les cinéphiles pédants.

Ainsi, l’échec commercial et critique de Domino semble pour ainsi dire logique. Pour autant, il ne faut pas négliger les qualités divertissantes de ce beau bordel organisé réellement enthousiasmant et porté de bout en bout par le charisme de ses protagonistes.

Sortie française en salle : 23 Novembre 2005