Entretien avec Sire Cédric

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je suis un tout jeune écrivain, baignant depuis toujours (ou presque) dans la littérature Fantastique. Je suis également passionné par les musiques extrêmes, une sensibilité qui, je pense, ressort clairement à la lecture de mes textes. Il y a quelques années (Diable, que le temps passe vite !) j’avais d’ailleurs commencé par diffuser quelques plaquettes autoproduites, dans la tradition des « démos » de l’underground rock’n roll. Ce fut une période d’euphorie très formatrice, à mon sens, et qui m’a donné l’occasion de faire lire mes premières histoires à un public restreint mais curieux de nouvelles choses. Suite à cela, j’ai eu le plaisir de publier quelques nouvelles au sommaire d’anthologies professionnelles (chez l’Oxymore ou bien les Belles Lettres) et enfin mon premier livre est paru cette année aux éditions Nuit d’Avril.

Pourquoi cette passion pour les monstres, le morbide ?

Parce que j’aime le sang, tout simplement ^^ Plus sérieusement, je nourris une passion pour le côté exalté de la psyché humaine, les feux d’artifices qui consument notre cœur de l’intérieur, tout ce qui se déploie en hurlant dans nos rêves. Toute cette matière faite de ténèbres multicolores, de désirs et de tourbillons. Cela me semble la meilleure manière de peindre nos pulsions et nos rêves. Dans la toute première nouvelle du recueil, par exemple, une jeune fille est capable de voir la colère sortir, physiquement, de sa sœur : elle la perçoit comme des tentacules fuligineux et avides, jaillissants des pores de son corps, telle fleur de goudron. Il y a, dans ce genre d’images, une étrange beauté qui me fascine – ou, disons-le, qui m’obsède…

Écris-tu depuis longtemps ?


J’ai dû griffonner mes premières histoires (sans jamais vraiment les achever, d’ailleurs) vers l’âge de dix ans, des histoires d’elfes très enthousiastes, principalement inspirées par la lecture du Seigneur des anneaux que je venais de dévorer. J’ai ensuite très peu écrit durant mon adolescence (mais fait-on réellement quoi que ce soit durant son adolescence ?) bien que j’ai eu la chance de voir l’un de ces petits textes, une histoire de vampire celle-ci, publiée en 1992 dans l’anthologie Premières Pages aux éditions Casteilla. Je ne me suis véritablement remis à l’écriture que vers la fin des années 90, suite à la folle impulsion créatrice de la vague black métal de l’époque (et de laquelle sont nés mes sympathiques démons, par ailleurs). Depuis, je n’ai plus cessé d’écrire, de façon régulière et quasi organique, et cela m’apporte tellement de bonheur que je ne pense pas arrêter de sitôt…

Peux-tu nous présenter ton livre ? Penses-tu qu’il apporte quelque chose de neuf à la Mythologie ? Si oui, quoi ?

Déchirures est composé de neuf histoires, au demeurant très différentes les unes des autres, et qui relèvent toutes, chacune à leur manière, du genre Fantastique, avec un traitement toujours très personnel – et, je l’espère surprenant ! On y retrouve une grande dose d’angoisse, beaucoup de violence aussi : des ados essayant de violer une institutrice, des vampires new age chassant sur l’autoroute, deux sœurs jumelles allant jusqu’à s’entre-tuer… mais, comme je l’ai dit, c’est l’émerveillement constant qui dicte mon écriture (et la dictera toujours, je suppose) donc il y a surtout beaucoup d’exaltation dans ces pages… même si elle prend parfois la forme de grandes éclaboussures rouges !

En ce qui concerne ta question sur la mythologie, je ne pense pas que mon travail se rapproche de ce domaine, encore moins qu’il y apporte quoi que ce soit. En tout cas, ce n’était certainement pas mon intention en premier lieu ! Une seule nouvelle, Hybrides, fait allusion à certaines légendes indiennes (d’Amérique), que j’ai par ailleurs librement adaptées. Quant aux démons aux cheveux blancs, qui reviennent inlassablement au fil de mes contes cruels (et qui sont, de toute évidence, inspirés du folklore judéo-chrétien) ils constituent un motif obsessionnel : quoi que je fasse, ils s’acharnent à revenir au-dessus de mon épaule, et finissent par se glisser entre les lignes ! Cela dit, on peut dire que je développe – au lent goutte à goutte – une mythologie toute personnelle, et en ce sens Déchirures est aussi un parcours initiatique.

Pourquoi reprends-tu certains de tes personnages au fil des nouvelles ?

Parce qu’ils ne m’en laissent pas vraiment le choix ^^ Tous mes textes sont, de toute manière, intimement liés les uns aux autres. C’est particulièrement visible lorsque les personnages réapparaissent d’une histoire à l’autre, mais il y a d’autres, nombreux rapports entre elles, un peu comme un puzzle gigantesque : les lieux, les thèmes, les correspondances des intrigues, et au final le même, unique univers. Je pense que toutes ces pièces se mettront en place de façon évidente, peu à peu…

As-tu pensé à Alfred Hitchcock en écrivant ? En te lisant, j’y ai pensé. Le thème de prédilection du réalisateur anglo-américain : les héros innocents. Les gentils comme les méchants sont des victimes : les bons le sont des mauvais et ces derniers le sont du côté obscur de la force pour rester dans le cinéma. En plus, le sexe et la culpabilité sont très proches. D’accord, ce n’est pas très neuf dans notre civilisation judéo-chrétienne. Mais les trois thèmes principaux sont tellement semblables.

Alors, franchement, une telle comparaison (et quelle comparaison yeah je ne vais plus passer par les portes maintenant) ne m’a jamais effleurée. Il faut dire que je ne suis pas un grand connaisseur d’Hitchcock, ce qui est sans doute une impardonnable lacune (qu’il faudra que je comble prochainement). En tout cas, ta réflexion est assez juste en ce qui concerne mon approche psychologique globale. Pour être encore plus précis, je dirai même qu’il n’y a jamais tant de gentils ou de méchants dans mon univers que des « rôles » de gentils et de méchants, étant donné certaines circonstances. Car ne sommes-nous pas tous, tous autant que nous sommes, passablement dérangés, chacun avec ses propres déviances ? Tout le monde a été marqué, par des choses différentes, et chacun parvient à vivre comme il le peut avec cette histoire, ce fardeau parfois. Certains se servent de leurs blessures à vif pour avancer, pour rester droit quand tout vacille autour d’eux, d’autres en sont incapables et tourbillonnent vers le fond de l’abysse, devenant un danger pour les autres comme pour eux-mêmes. Même les démons ne sont pas fondamentalement mauvais en fin de compte. Ils sont juste des démons, comme le fait remarquer l’un d’entre eux à la fin de Deathstars : c’est simplement leur nature, et les fréquenter n’est peut-être pas la meilleure des idées ^^ Personnellement, je ne crois pas vraiment en la justice, mais en revanche je suis convaincu qu’un certain équilibre revient toujours, systématiquement, dans l’univers. C’est une idée que je mets en scène bien souvent. À ma manière.

Souhaites-tu ajouter quelque chose ?

Juste te remercier, Cécilia, pour cette agréable entrevue ! J’espère sincèrement que Déchirures plaira aux amateurs de macabre comme aux lecteurs de bonnes histoires, tout simplement !
Rock’n roll,

Sire Cédric, le 30 novembre 2005

Critique de Déchirures sur Onirik.