Gran Torino – Avis +

Résumé

Walt Kowalski est un ancien de la guerre de Corée, un homme inflexible, amer et pétri de préjugés surannés. Après des années de travail à la chaîne, il vit replié sur lui-même, occupant ses journées à bricoler, traînasser et siroter des bières. Avant de mourir, sa femme exprima le vœu qu’il aille à confesse, mais Walt n’a rien à avouer, ni personne à qui parler. Hormis sa chienne Daisy, il ne fait confiance qu’à son M-1, toujours propre, toujours prêt à l’usage…

Ses anciens voisins ont déménagé ou sont morts depuis longtemps. Son quartier est aujourd’hui peuplé d’immigrants asiatiques qu’il méprise, et Walt ressasse ses haines, innombrables – à l’encontre de ses voisins, des ados Hmong, latinos et afro-américains « qui croient faire la loi », de ses propres enfants, devenus pour lui des étrangers. Walt tue le temps commeil peut, en attendant le grand départ, jusqu’au jour où un jeune Hmong du quartier tente de lui voler sa précieuse Ford Gran Torino… Walt tient comme à la prunelle de ses yeux à cette voiture fétiche, aussi belle que le jour où il la vit sortir de la chaîne.

Lorsque le jeune et timide Thao tente de la lui voler sous la pression d’un gang, Walt fait face à la bande, et devient malgré lui le héros du quartier. Sue, la soeur aînée de Thao, insiste pour que ce dernier se rachète en travaillant pour Walt. Surmontant ses réticences, ce dernier confie au garçon des « travaux d’intérêt général » au profit du voisinage. C’est le début d’une amitié inattendue, qui changera le cours de leur vie.

Grâce à Thao et sa gentille famille, Walt va découvrir le vrai visage de ses voisins et comprendre ce qui le lie à ces exilés, contraints de fuir la violence… comme lui, qui croyait fermer la porte sur ses souvenirs aussi aisément qu’il enfermait au garage sa précieuse Gran Torino…

Avis de Marnie

Dès la première image de Walt Kowalsky à l’enterrement de son épouse, gros plan tiré tout droit de l’expression figée de Dirty Harry, immortalisée par Clint Eastwood trente-huit années auparavant (mais avec un grognement hilarant en plus !), il nous attrape et ne nous lâchera plus dans cette histoire flirtant avec les larmes et le rire. Se coiffant de trois casquettes différentes, producteur, réalisateur et acteur principal, notre dernière grande gueule d’Hollywood réussit entièrement son pari de rendre hommage à sa carrière, sans être donneur de leçon, amer ou même seulement dépassé.

Le héros, Walt Kowalsky est incompris par sa propre famille, et rejette tout en bloc, ses deux fils et ses petits enfants, ses nouveaux voisins, le prêtre qui tente de le réconforter, et la société en général ! Vétéran de la guerre de Corée, travailleur à la chaîne dans une usine d’automobiles américaines, retraité, son racisme est ouvertement provocateur et se heurte à notre propre sensibilité en retournant tous les clichés avec un aplomb malicieux, puisque nous ne pouvons pas nous empêcher de le trouver sympathique… Peu à peu, en commençant bien malgré lui à connaître ses voisins Hmongs [[peuple des régions montagneuses situées au Laos, la Thaïlande et le Vietnam qui ont leur propre culture et leur propre religion]] qu’il méprisait jusqu’alors, il va trouver un nouveau sens à sa vie.

Il faut féliciter un acteur qui n’hésite pas à mettre en scène des plans étirés, offrant de très belles prestations aux deux jeunes asiatiques, l’adolescent Bee Vang, qui révèle une sensibilité à fleur de peau, et celle qui joue sa soeur, Ahney Her, la première qui ose défier son irascible vieux voisin en montrant une audace mêlée de charme et de fermeté. L’évolution de ces deux caractères constitue un des grands atouts du film. Clint Eastwood s’oublie souvent derrière ces personnages et le résultat n’en est que meilleur pour le film.

Les deux scénaristes Nick Schenk et Dave Johannson s’en donnent à coeur joie à revisiter ainsi un mythe des années 70 qui semble soudain si peu politiquement correct. Certains dialogues sont sarcastiquement cyniques et agressifs, et au détour d’une réplique l’humour prend le pas sur la violence des propos. En toile de fond, se déroule un récit sensible, évolutif et attachant où un être asocial, au contact de gens qui lui sont totalement étrangers dans leur manière de vivre, trouve des points communs lui permettant alors d’échapper à la solitude tout en surmontant ses préjugés. Ce genre d’histoire possède une portée universelle à laquelle nous ne restons pas insensibles.

Nous nous attendons au final… qui réussit pourtant à totalement nous surprendre, ce qui constitue un point positif supplémentaire. Même si le propos semble quelques fois un peu lourd, la finesse et l’intelligence du traitement rattrapent avec habileté cette petite faiblesse que nous pardonnons volontiers. Clint Eastwood, malgré ses 78 ans et une carrière impressionnante, joue avec sa légende tout en s’effaçant avec une élégance inégalable. Une très émouvante histoire qui frôle la provocation gratuite, qui frôle le mélo, qui frôle l’humour, qui frôle le film à message… et qui réussit en une pirouette finale à faire pleurer toute une salle !

Fiche Technique

Sortie : 25 février 2009

Avec Clint Eastwood, Bee Vang, Ahney Her, John Carroll Lynch,
Christopher Carley, etc.

Genre : drame

Durée : 115 minutes