Interview d’Arthur Cauras

Onirik : Tu as réalisé l’excellent documentaire sur le MMA Toutes les forces, tu couvres aussi les événements gravitant autour de ce sport comme les Contenders, les 100% Fight, le VIC. Peux tu décrire ta formation et ton parcours cinématographique et comment la rencontre avec le MMA s’est elle faite ?

Arthur Cauras : J’ai fait 3 ans d’études à l’ESRA, une école de cinéma parisienne après laquelle j’ai enchaîné les tournages de courts, longs-métrages et séries TV en tant que régisseur, assistant réalisateur, storyboardeur.

J’ai accroché au MMA en le découvrant comme pas mal de monde en France via la VHS delta vidéo UFC 2, puis avec les diffusions sur le câble des éditions suivantes (la chaîne, c’était Kiosques il me semble). Ça a continué avec les DVD du Pride qui sont sortis en France.

En 2006 j’ai eu envie de faire un documentaire sur le MMA car je m’entraînais à la BTT France d’Ivry sur Seine, dont les profs étaient Roan Jucao, Jean-Marie Merchet et Loic Pora. J’étais vraiment tombé amoureux du Grappling, j’y allais toute la semaine même si c’était plutôt loin de chez moi.

L’envie de faire ce reportage est née lorsque j’ai pu voir les combattants pros français tels que David Baron, Cyrille Diabaté ou encore Kassim Annan et Makhtar Gueye s’entraîner comme des dingues, partir à l’étranger pour combattre et revenir avec plus ou moins de bobos.

J’ai eu envie de montrer tout ça. Il avait un côté fascinant de les voir se donner à fond, tout en étant aussi sympas dans la vie. Donc j’en ai parlé à mon ami producteur de Forge, Cédric Hachard, qui a décidé de produire Toutes les forces. Durant le tournage, j’ai rencontré l’organisateur du 100 % Fight et des Contenders, Stéphane « Atch » Chaufourier, et on a sympathisé. A l’époque il préparait l’Xtrem Gladiators 3.

Onirik : Ton documentaire malgré le manque de moyens financiers dont tu as disposé est de grande qualité tant au point de vue réalisation que du fond. On suppose que tu as démarché les chaînes de télévision pour leur proposer. Quelles ont été leur réaction ?

Arthur Cauras : On a effectivement tenté le coup des chaînes de télé, puisque notre contrat avec le distributeur WE Prod était exhaustif pour le DVD, et pas la télévision. Toutefois nous n’avons eu aucun retour positif. Pourtant j’avais à un moment donné un bon contact avec quelqu’un d’une des grosses chaînes françaises chargé de trouver des programmes déjà terminés à diffuser, mais il n’est pas parvenu à concrétiser un passage TV.

C’était il n’y a pas longtemps, en mai-juin 2010, mais encore à cette époque passer à la télé un documentaire « positif » sur le MMA était quasiment impossible. Cela a changé depuis, notamment avec Free fight : Au coeur du MMA et de l’UFC qui est passé sur France 4.

Onirik : Hormis le MMA, as-tu d’autres activités cinématographiques, d’autres projets ?

Arthur Cauras : Ce qui me fait gagner ma vie est la réalisation audiovisuelle et le montage. Je continue à aller sur les plateaux de cinéma, notamment pour aider mes amis de Forge quand ils tournent, mais c’est de plus en plus rare. Ça me manque, d’ailleurs ! Mais il est difficile dans ce milieu de trouver une stabilité financière régulièrement, alors je ne me plains pas maintenant que j’y suis parvenu – en espérant que ça dure !

Mon objectif est d’être réalisateur de cinéma, et ce depuis petit. Je suis toujours motivé pour l’être, et je sais que le chemin est difficile.
Je vais avoir 30 ans et je vois autour de moi des gens que je connais depuis une dizaine d’années qui raccrochent les gants et quittent le monde de l’audiovisuel car ils ne trouvent pas régulièrement du travail ou n’aiment pas le boulot qu’ils doivent faire en attendant d’atteindre leur objectif.

Il y a parfois aussi des postes empêchant d’avoir toute vie sociale, tu enchaînes du matin au soir 6 jours par semaine, tu te lèves à 5H et tu rentres te coucher claqué (si tu n’es pas en déplacement) à 22 ou 23H. Certes tu es très bien payé. Mais qui peut vivre comme ça tout le temps?

Donc je ne me plains pas et je garde bien en tête mon objectif de devenir réalisateur au cinéma. J’ai réalisé un court-métrage en 2004, Jour après jour avec Jo Prestia (Irréversible, 36, La vie rêvée des anges), et un deuxième en 2009 qui est toujours en post-production et qui s’appelle Point zéro avec Alaa Safi (Trahison, Un baiser papillon, Pour elle, Le missionaire) et Afif Ben Badra (10,000, Sherlock Holmes 2, Danny the dog).

Tout ceux qui travaillent dessus y mettent énormément d’énergie, notamment les graphistes qui achèvent en ce moment les mattes-paintings présents dans le film qui participent à créer une ambiance de fin du monde.

Onirik : Avec quel matériel tournes-tu ?

Arthur Cauras : Les reportages sur le MMA la plupart du temps avec une DVX-100. Mes courts-métrages j’ai fait le premier en Super 16mm et le deuxième en HD avec la Red One.

Onirik : Quelle est ta motivation pour continuer dans ce milieu malgré la difficulté et le manque de reconnaissance en dehors de ce cercle méconnu du grand public ?

Arthur Cauras : Étrangement, le fait qu’on soit un « petit » cercle d’initiés est galvanisant. Parce qu’on fonctionne tous avec les mêmes références: le Pride, l’UFC et le Strikeforce.

Donc ça me fait plaisir, quelque part, de réaliser des vidéos pour ce public qui fait partie d’une famille. De plus ça me permet de savoir si mes vidéos fonctionnent ou pas, avec les commentaires que les gens font.

Et d’un autre côté, c’est motivant de se dire qu’il faut présenter au mieux le MMA/Pancrace pour « éduquer » le public et lui prouver que c’est une discipline respectable. Même si bien évidemment on n’est pas forcé de l’aimer !

Onirik : Comment vois tu l’évolution de ce sport dans les prochaines années et quels sont tes souhaits en tant que réalisateur ?

Arthur Cauras : Je ne vois pas grande évolution en particulier, pour les années à venir. Il y a quelques temps j’avais dit dans Fightsport que je ne voyais pas le MMA en France avant 6-7 ans, je reste sur cette position. Voir plus, hélas. Et quand ça arrivera, je ne vois malheureusement pas de cage pour nous, même si n’importe qui s’étant penché sur la question sait bien que la cage sécurise les combattants, les empêchent de tomber là où ça arrive souvent sur un ring (regarder durant les 100 % Fight, Contenders, souvent les athlètes manquent de tomber des cordes lors des phases de lutte et de judo !).

Avec le gouvernement actuel et pire encore, avec la mentalité qu’on a en France (en gros on a comme l’impression de se sentir un peu « supérieurs » aux autres pays avec les droits de l’homme et notre goût pour la culture), comment voulez-vous entrevoir la possibilité d’une légalisation du MMA quand on voit que les galas de Pancrace de Atch manquent d’être interdits et qu’il est à la limité d’être harcelé depuis le 15 Janvier 2011, date à laquelle il a eu le malheur d’écrire pour la communication « Mixed martial arts » sur l’affiche du 100%Fight 4 ?

Ça sent très mauvais, et c’est vraiment mal parti. Encore récemment, l’un des boss de l’UFC a dit qu’ils allaient faire un UFC en France en 2012. J’aimerai bien qu’il dise vrai, mais c’est franchement impossible.

Donc ce qu’il nous reste à faire c’est continuer à faire des galas bien encadrés partout en France (le 100%Fight et Contenders à Paris, le Fighting Marcou, le HFC à Strasbourg, le PFC à Marseille, le Knock-Out Championship à Cognac), pros – même si les organisateurs ne se font presque aucun bénéfice – et être prêts à démontrer qu’il n’y aucun problème durant ces rencontres de Pancrace. Ainsi on se tient prêts à essayer les vraies règles MMA. C’est frustrant, mais je ne vois pas d’autres possibilités pour le moment.

Mes souhaits en tant que réalisateur sont de finaliser mon court-métrage Point zéro et qu’il m’ouvre des portes dans le monde du cinéma.
Et de parvenir à mon but, réaliser des longs-métrages, après sûrement avoir continuer à apprendre en réalisant un ou plusieurs autres courts-métrages de la manière la plus pro possible.

Je tiens à remercier David Lapetina, une personne ouverte d’esprit s’intéressant à des tas de choses, et Onirik.net pour avoir penser à moi pour cette interview!