La Glace et le sel – Avis +

Présentation de l’éditeur

Le Déméter entre dans le port de Whitby en pleine tempête. À bord du navire sans équipage, le capitaine gît, sans vie, attaché au gouvernail tandis que, dans la cale, dorment de mystérieuses caisses pleines de terre. C’est ainsi que Dracula, dans le roman de Bram Stoker, arrive à Londres.

À partir des quelques lignes retrouvées dans la poche du capitaine, José Luis Zárate reconstruit la tragédie de la traversée.

La brûlure du soleil, la morsure du sel, la promiscuité exacerbent les sensations. Le capitaine, rongé de désir, rêve de goûter à la peau et au corps de ses hommes. Le vampire boit leur sang, mais le désir est une soif que rien n’étanche. Du pont à la cale, des appétits refoulés à la jouissance sans entraves, José Luis Zárate revisite brillamment la figure du vampire, cette insatiable machine désirante.

Avis de Claire

Ecrit en 1998, ce court roman de l’écrivain mexicain José Luis Zarate arrive enfin jusqu’à nous dans une excellente traduction de Sébastien Rutès. La Glace et le Sel est l’histoire du capitaine du Déméter, ce navire à l’équipage réduit, parti de Varna, qui échoua lors d’une incroyable et inattendue tempête dans le port de Whitby, un soir du 8 août, à la fin du 19e siècle[[On suppose qu’il s’agit de la période de parution du roman de Bram Stoker, en 1897]].

Les détails sont précis, qui se souvient que c’est l’honorable avocat anglais Samuel F. Billington qui fut chargé de l’envoi de mystérieuses caisses de terre à l’abbaye de Carfax, unique chargement du navire ? José Luis Zarate s’appuie constamment sur le texte originel, il lui donne corps, il lui insuffle chair, sang, sueur et sel de mer qui pénètrent autant les êtres que les âmes.

L’épisode du Déméter ne fait qu’une dizaine de pages dans le roman de Bram Stoker, cependant, et malgré sa brièveté, le récit de José Luis Zaraté, développe une intrigue complexe, empreinte de sensualité moite, d’obsessions paralysantes qui rendent les hommes impuissants et démunis face au fléau du monstre et à l’horreur de l’innommable.

Les mots « vampire » ou « Dracula » ne sont jamais évoqués. Si l’on ne connaissait la référence, on y verrait un intense récit de capitaine, hanté par l’appel du désir, par le désespoir de son besoin d’apaisement, par la fatigue qui le pousse au délire. Sexe et sang apparaissent dès lors comme les deux faces d’un même tourment, un des thèmes récurrents du vampirisme.

Au détour d’une phrase, on pense parfois à Michel Tournier,[[Vendredi ou les limbes du Pacifique, 1967]] et par extension à Daniel Dafoe[[Robinson Crusoé, 1719]]. Le capitaine n’est-il pas seul maître à bord de son bateau, tel Robinson sur son île ? Dans une scène édifiante, celui-ci ne fait qu’un avec son bateau. Mais là où Robinson n’a à craindre que des morsures d’araignées, le capitaine est entouré de terrifiants rats aux dents saillantes et menaçantes.

José Luis Zarate comble les vides, les pistes et les questionnements laissés vierges dans l’intrigue de Bram Stoker. Qui étaient les hommes qui ont chargé les caisses à bord du navire ? Pourquoi les Turcs les ont laissés partir si vite ? Que sont devenus les marins mordus par la créature ? Comment le capitaine s’est-il retrouvé attaché, seul, au gouvernail de son navire ?

José Luis Zarate, né en 1966, est l’un des plus prolifiques écrivain de science-fiction au Mexique. Il signe avec La Glace et le sel, une oeuvre poético-horrifique puissante et exigeante.

Fiche technique

Format : broché

Pages : 176
Editeur : Actes sud
Collection : Exofictions
Sortie : 7 avril 2017
Prix : 15,80 €