La Mort s’invite à Pemberley – Avis +

Présentation de l’éditeur

Rien ne semble devoir troubler l’existence ordonnée et protégée de Pemberley, le domaine ancestral de la famille Darcy, dans le Derbyshire, ni perturber le bonheur conjugal de la maîtresse des lieux, Elizabeth Darcy.

Elle est la mère de deux charmants bambins ; sa sœur préférée, Jane, et son mari, Bingley, habitent à moins de trente kilomètres de là ; et son père adulé, Mr Bennet, vient régulièrement en visite, attiré par l’imposante bibliothèque du château. Mais cette félicité se trouve soudain menacée lorsque, à la veille du bal d’automne, un drame contraint les Darcy à recevoir sous leur toit la jeune sœur d’Elizabeth et son mari, que leurs frasques passées ont rendu indésirables à Pemberley. Avec eux s’invitent la mort, la suspicion et la résurgence de rancunes anciennes.

Dans La Mort s’invite à Pemberley, P.D. James associe sa longue passion pour l’œuvre de Jane Austen à son talent d’auteur de romans policiers pour imaginer une suite à Orgueil et Préjugés et camper avec brio une intrigue à suspense. Elle allie une grande fidélité aux personnages d’Austen au plus pur style de ses romans policiers, ne manquant pas, selon son habitude, d’aborder les problèmes de société – ici, ceux de l’Angleterre du début du XIXe siècle.

Née en 1920, Phyllis Dorothy James a exercé des fonctions à la section criminelle du Home Office avant de se consacrer entièrement à l’écriture. Mélange d’understatement britannique et de sadisme, d’analyse sociale et d’humour, ses romans lui ont valu d’être sacrée « nouvelle reine du crime ».

Avis de Claire

Décidément, Jane Austen est à l’honneur en ce moment. Alors qu’Arte lui rend hommage tous les jeudis soirs, les éditions Milady sortent une collection Pemberley, du nom du domaine du fameux Monsieur Darcy, héros d’Orgueil et Préjugés.

P.D. James, grande admiratrice de l’oeuvre de Jane Austen, lui rend un hommage à peine voilé, convoquant d’autres oeuvres de la grande romancière anglaise, dans des clins d’oeil subtils, comme Mansfield Park, Persuasion ou Emma, et nous livre sa propre vision de l’histoire de ce monument de la littérature anglaise.

Après quelques pages qui résument admirablement le livre de Jane Austen, où P. D. James nous offre même sa propre interprétation des faits, nous pénétrons dans l’intimité de Pemberley, la félicité conjugale et familiale qui nimbent le quotidien d’Elizabeth et de Darcy est fort réjouissante. Mais arrive un événement totalement inattendu, un meurtre !

Alors que les Darcy préparent avec bonheur et fébrilité le bal de lady Anne, en hommage à la mère de Darcy, la soeur cadette de Lizzie s’invite de manière impromptue. Mariée à George Wickham, l’homme le plus détestable de l’entourage des Darcy, elle n’est pas la bienvenue. Son arrivée, de nuit, dans une violente tempête, s’accompagne d’un grand tapage. Lydia, en larmes, – et à tort- , affirme que son mari a été tué…

P. D. James a su parfaitement réutiliser le terreau fertile des romans de Jane Austen. La psychologie des personnages, particulièrement travaillée et en phase avec le roman originel, lui permet de se réapproprier sans mal l’univers confiné et douillet de Pemberley, de le mener à mal pour mieux le restituer au lecteur averti.

Pemberley apparaît alors comme un huis clos, où la nécessité pour les personnages est de régler leurs comptes avec le passé. La reine du polar s’autorise ce dont rêvent tous les fans du roman de Jane Austen, fantasmer sur le quotidien de Lizzie et Darcy, ainsi que sur celui des autres personnages de leur petit microcosme, et donne ainsi corps aux zones d’ombre du roman.

Bien entendu, elle ne pouvait tuer Wickham, personnage énigmatique, emblématique et fascinant. C’est par lui que vient le mal, c’est lui qui transgresse, qui dérive du droit chemin, qui amène le chaos nécessaire avant le retour à l’ordre. Cet anti-héros s’impose comme celui qui commet l’action, P.D. James semble lui vouer une tendresse particulière, les mauvais garçons ont souvent cet effet-là. La porte de sortie qu’elle lui invente est à la hauteur de l’homme que l’on se plairait presque à imaginer meilleur.

L’enquête, finalement, manque un peu de tonus, les pages s’égrenant assez passivement, avant une résolution de l’énigme, somme toute, assez évidente. Mais ce n’est finalement pas le plus important. Le style maîtrisé de P.D. James et l’hommage presque enamouré qu’elle rend à la grande romancière anglaise, envers laquelle elle se sent redevable et à qui elle présente des excuses pour avoir entraîné son personnage favori d’Elizabeth Bennet au coeur de la tourmente d’une enquête policière, justifient à eux-seuls l’existence même de ce roman. On sent bien à chaque page que P.D. James a pris beaucoup de plaisir à jouer des ramifications et relations entre les personnages, les renforçant, ou en inventant d’autres dans une cohérence exemplaire.

Si « la mort s’est invitée à Pemberley », P.D. James en conviant Jane Austen dans son univers, n’a certes pas écrit son plus grand roman, mais a réservé à cette grande dame de la littérature l’une des plus belles déclarations d’amour faite à un auteur.

Fiche technique

Format : broché
Pages : 393
Editeur : Fayard
Sortie : 30 mai 2012
Prix : 22 €