La Sociale – Avis +

Présentation officielle

En racontant l’étonnante histoire de la Sécu, La Sociale rend justice à ses héros oubliés, mais aussi à une utopie toujours en marche, et dont bénéficient 66 millions de Français.

Avis de Vivi

La Sociale qui aurait pu aussi s’appeler Les jours heureux, titre du
précédent film de Gilles Perret, est plus qu’un documentaire sur la
création de Dame Sécurité Sociale, qui fête ses 70 ans. C’est un film sur
la force et la beauté d’un combat collectif, celui des militants CGT
qui, avec l’ouvrier métallo Ambroise Croizat à leur tête, ont imposé que
tout citoyen puisse bénéficier d’allocations, d’une assurance maladie et
d’une pension jusqu’à la fin de sa vie.

Pour rendre compte de cette conquête sociale inouïe : l’historien biographe d’Ambroise Croizat, Michel Estiévent ; une professeure de l’université Paris Descartes, Colette Bec ; un économiste, Bernard Friot ; un sociologue, Fredéric Pierru ; la fille d’Ambroise Croizat ; une interne de l’hôpital Bichat, Anne Gervais, et le leader CGT Jolfred Fregonara, personnage haut en couleur, qui a participé à la mise en place de caisses de sécurité sociale en Haute-Savoie en 1946, dernier témoin de cette époque héroïque, 96 ans, décédé depuis le tournage du film.

Une entreprise filmique a priori rébarbative, trouver l’eros caché dans les plis de la Sécurité Sociale n’allant pas de soi! Au fait, à quoi peut-on s’attendre? A des images d’archives? Et bien oui, il y en a et il a fallu trier dans les actualités de l’INA, les reportages du Parti Communiste et de la cinémathèque de Haute-Savoie. Gilles Perret réussit à les rendre attrayantes et à s’en servir pour faire avancer la
narration, avec un montage très précis où les mots trouvent leurs
correspondants visuels.

Des commentateurs? Oui, ils nous renseignent et nous font réfléchir. Quant aux survivants de cette épopée, ils nous
embarquent dans leur univers : la fille d’Ambroise Croizat, touchante, et
Jolfred Fregonard, pétri d’humanité, transmettant ses connaissances et sa
combativité à des étudiants de l’Ecole Nationale Supérieure de la
Sécurité Sociale de Haute-Savoie qui ne connaissaient même pas la figure
d’Ambroise Croizat! Le nom du fondateur n’est même pas inscrit sur les
murs de l’école, ne figure que celui du rédacteur du projet, Pierre
Laroque…

La musique de Laurie Derouf accompagne subtilement les témoignages et touche l’affect du spectateur qui passe ainsi par tous les sentiments : colère, indignation, joie (ne pas rater la critique d’un
intervenant qui voit du rouge partout et fait vibrer la moustache de
Philippe Martinez ,leader de l’actuelle CGT, ou les propos de l’ancien
ministre du travail, François Rebsamen, recueillis par hasard à son retour
dans son bureau) et la tristesse… Nostalgie d’une époque où la force
syndicale s’imposait pour améliorer le bien commun car, non, l’existence
de la Sécurité Sociale n’est pas à mettre au crédit de De Gaulle qui ne
l’appréciait pas et avait quitté le gouvernement avant sa validation…

A un moment où elle est particulièrement attaquée par les libéraux pour
amener le citoyen à investir dans des complémentaires santé (on apprécie
au passage l’engagement de l’hépatologue de Bichat!), il est urgent et
nécessaire de se ruer dans les quelques salles d’art et essai qui
projettent le film et de faire fonctionner le bouche à oreille. Comme le
dit dans le film l’une des étudiantes de cette vénérable
institution, « cela redonne la gnaque » !

Fiche technique

Sortie : 9 novembre 2016
Durée : 84 minutes
Genre : documentaire