La loi du désir – Avis +

Il faut remettre ce film dans son contexte historique : ça fait à peine dix ans que la démocratie s’est installée en Espagne et Almodovar, comme tous les artistes de La Movida[[La Movida est un mouvement intellectuel et culturel qui est né dans les années 1980 en Espagne]], défie et teste les limites de cette nouvelle émancipation culturelle avec un humour féroce. Il est volontairement provocateur dés la première scène du film ainsi que dans celle de l’initiation homosexuelle d’Antonio.

En contre partie comme toujours chez lui, il y a beaucoup de pudeur au niveau des sentiments ce qui rend ses personnages particulièrement émouvants : Tina avec son passé d’enfant abusé, Pablo dans sa recherche de l’amour idéal, Antonio qui finit par nous toucher dans son délire d’illusion amoureuse.

On retrouve dans ce film les problématiques récurrentes du cinéaste : l’homosexualité et la recherche de l’identité sexuelle, la folie, le désir avec toute sa violence, le désir qui ignore les interdits, le désir qui frustre et qui annihile l’autre et l’amour sous toutes ses formes. Ici, Tina, cet homme devenu femme et joué par une femme comme dans Tout sur ma mère, représente l’amour maternel pour sa fille et son frère (car chez Almodovar la figure de la mère est toujours présente). L’amour fusionnel aussi, en essayant de violer Juan, Antonio le mordra sauvagement comme pour ingérer l’objet de la passion de Pablo. Ce désir de fusion n’est pas sans rappeler la nostalgie du premier lien à la mère. Et comme toujours, de grandes questions traitées avec humour, comme par exemple quel narcissisme cherche-t-on dans l’amour de l’autre ? Ici, Pablo ira jusqu’à faire les brouillons de lettres qu’il veut que son amant lui envoie!

La mise en scène très efficace maintient le suspens, distillant tout au long du film les clés de la personnalité de chacun des personnages. De superbes gros plans comme ceux de la machine à écrire (on pense immédiatement à Hitchcock) et celui ou les yeux larmoyants de Pablo se superposent aux roues d’une voiture.

Dans la Loi du Désir, Almodovar a voulu parler du désir, qui est une chose très abstraite, d’une manière très réaliste. Il en parle avec sensualité, avec violence, avec humour. Cet humour qui dit-il est l’arme des Espagnols contre tout ce qui les fait souffrir, les inquiète. Mais c’est aussi et surtout un film qui parle de l’amour, ce sentiment si compliqué quelque soit l’orientation sexuelle. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à écouter les deux chansons récurrentes dans ce film, Ne Me Quitte Pas de Brel et Lo Dudo de los Panchos dont voici quelques paroles : Je ne doute pas que tu arriveras à m’aimer comme moi je t’aime. Tu trouveras des aventures sans amour et à la fin de toutes tu n’auras que douleur. On te donnera une frénésie de plaisir mais pas un rêve sincère comme celui que je t’ai donné.

Au final, c’est un film moins connu mais intéressant qui permet de saisir l’évolution de ce grand cinéaste d’autant qu’il est merveilleusement interprété par Carmen Maura et Antonio Banderas.

Fiche Technique

Genre : drame

Titre original : La Ley del Deseo

Durée : 102 minutes

Avec Eusebio Poncela, Antonio Banderas, Carmen Maura, et Pedro Almodovar qui y fait une apparition à la Hitchcock