La vengeance du Comte Skarbek

« La vengeance du Comte de Skarbek » ou comment un méfait ne reste jamais impuni.

Paris 1843, un mystérieux Comte polonais arrive à Paris et, la richesse aidant, se fait introduire parmi la haute société. Rencontrant deux amateurs d’arts cherchant à s’approprier l’intégralité des oeuvres de Louis Paulus, un peintre décédé, il leur propose pas moins de 227 oeuvres jusqu’alors inconnues. La surprise des deux collectionneurs a l’ampleur de leur colère d’autant qu’ils achetaient jusqu’à cet instant à prix d’or leurs toiles à un marchand sans scrupules qui prétendaient posséder l’ensemble de l’oeuvre de l’artiste trépassé. Poussé par le noble polonais, les deux compères vont intenter un procès à leur revendeur. Au cours de ce procès la vérité éclate.

« La vengeance du Comte de Skarbek » une fresque parisienne.

Cette bande dessinée est une véritable fresque. A l’instar des tapis médiévaux s’étalant sur plusieurs mètres, comme la tapisserie de Bayeux ou la tenture de l’Apocalypse, cet opus doit etre vu comme un enchainement de tableaux somptueux magnifiés par une histoire qui, meme si elle semble avoir un goût de déjà-vu, nous réserve quelques « teasing » qui d’une part laissent présager d’énormes surprises pour le dénouement final mais qui d’autre part nous font attendre avec impatience la suite et fin. Lorsque l’on ferme l’album la seule question qui demeure est de savoir si attendre fin 2005 ne sera pas trop difficle pour nos nerfs.

Cette impression de fresque est confirmée par l’avis meme de l’auteur pour qui « si la bande dessinée existait à l’époque, tous les grands peintres [auraient été] des dessinateurs de bande dessinée. ». Cette avec son talent habituel que « la Maman de Thorgal », comme il se plait à dire nous invite dans cet univers parisien dont chaque représentation se contemple et se savoure. Rosinski affirme qu’il recherche toujours « comment gagner plus en travaillant le moins possible ». Une telle faignantise, on en redemande.

« La vengeance du Comte de Skarbek » quand l’Histoire avec un grand H rencontre la fiction avec un grand F.

Sur fond de vérité historique, le scénario d’Yves Sente est très élégant, pas tant dans la trame de fond que par le savant mélange de faits historiques avec un pur produit cérébral dont le résultat est crédible. « Lisibilité, crédibilité », telle est la conception de Rosinski de la bande dessinée. Lui a assuré la lisibilité, Yves Sente la crédibilité. Cette crédibilité se doit à son scénario tellement ancré dans l’histoire de ces trois pays intimement liés que sont la Belgique, la Pologne et la France. Intimement liés par l’Histoire, la culture et la bande dessinée. Après tout cet album est issu d’une part d’un « Belge polonais vivant en Suisse », comme se définit lui-meme Rosinski, et d’autre part d’un Belge vivant en France. Mais si la trame historique est vraie, ne perdons pas de vue qu’il s’agit d’un récit de pure fiction et que d’ailleurs Rosinski « n’aime pas du tout les bandes dessinées basées sur l’Histoire ».

« La vengeance du Comte de Skarbek » un récit pour Rosinski.

Bien que Yves Sente ait écrit le scénario pour Rosinski, étrangement ce dernier n’a en rien participé à l’élaboration du récit. Ce n’est pas dans sa conception. En effet, pour lui le « scénariste c’est papa, le dessinateur maman. Lui a son moment de plaisir et le dessinateur a ses neuf mois de gestation », « en réponse le scénariste ne se mele pas de mon travail, je lui laisse sa liberté il me laisse la mienne ».

Ce découpage très net des taches à l’avantage de laisser chacun s’exprimer mais cela nécessite de l’avis de l’auteur une « question de confiance, quand je m’engage à consacrer un an de ma vie ».

Que dire si ce n’est que Rosinski a eut raison de faire confiance à Sente et qu’il a pu ainsi « montrer comment un peintre de l’époque aurait raconté son histoire avec les moyens techniques de maintenant. »

Plongez vous donc dans cette histoire, laissez vous embarquer dans le Paris romantique, un tel voyage ne se manque pas.