Le Goncourt à François Weyergans, le Renaudot à Nina Bouraoui

Le Goncourt a été attribué jeudi 03 novembre 2005 au franco-belge François Weyergans et le Renaudot à la franco-algérienne Nina Bouraoui, lesquels ont profité de leur succès pour défendre, sans se concerter, une certaine idée de la littérature. Livre qui raconte, avec un humour que n’entrave pas l’érudition, la difficulté d’un romancier à écrire, « Trois jours chez ma mère » (éd Grasset) a obtenu 6 voix contre 4 à « La possibilité d’une île » (éd Fayard) de Michel Houellebecq. Il comporte deux thèmes, a dit l’auteur aux journalistes massés chez Drouant: « le côté +écrivain qui souffre+ et l’hommage à la mère ».

« Pour elle, qui est âgée de 91 ans, c’est comme si j’avais réussi le bac avec une mention très bien », a ajouté François Weyergans, 64 ans, auteur de 12 romans dont le très beau « Franz et François » (1997). Il a dit avoir ressenti, dans les critiques de son livre depuis un mois, un « hommage à la littérature »: « cela me fait plaisir parce que c’est ce que j’essaie de faire. Je mets en scène un écrivain, j’essaie de soigner mon style: on est dans la littérature ».

« Choisir Weyergans et ce livre subtil, c’est une manière de démontrer notre indépendance », a estimé Didier Decoin, secrétaire général du jury Goncourt, en référence à l’intense couverture médiatique du roman de Houellebecq dès avant sa sortie, fin août.

Quand, bien avant sa parution, Michel Houellebecq parlait aux médias de son livre, le discret Weyergans, sorte de Woody Allen tombé en littérature, tentait de terminer un manuscrit dont personne ne savait la date de sortie. Il l’a achevé in extremis pour prendre en marche, début octobre, le train du Goncourt.

Cette histoire était devenue un serpent de mer dans les milieux littéraires puisqu’en juillet 2003, Grasset faisait savoir, dans une plaquette pour la presse, que ce roman, dont la parution était déjà régulièrement repoussée, sortirait deux mois plus tard !
Echec pour Fayard, ce Goncourt est par conséquent un succès pour Grasset qui a souvent montré par le passé son savoir-faire dans le jeu compliqué des prix littéraires. Un Goncourt se vend en moyenne à environ 400.000 exemplaires. « Trois jours chez ma mère » a été tiré, avant jeudi, à près de 60.000 exemplaires.

Couplé avec le Goncourt, le Renaudot a choisi « Mes mauvaises pensées » (éd Stock) de Nina Bouraoui. La lutte a été très serrée puisque ce roman l’a emporté au 11e tour par 6 voix contre 5 à Alain Mabanckou et « Verre cassé » (Le Seuil). Le jury compte 10 membres mais la double voix du président a fait la différence.

« C’est une longue déclaration d’amour à la vie, à l’Algérie, à la France, à l’écriture. C’est un livre très humain sur les séparations et les rencontres. Surtout, c’est un long travail littéraire, et ça j’y tiens beaucoup », a expliqué Nina Bouraoui, 38 ans, précoce lauréate en 91 du prix du livre Inter avec « La voyeuse interdite ».
Nina Bouraoui, née à Rennes d’un père algérien et d’une mère bretonne et qui a passé sa jeunesse en Algérie, parle aussi dans son livre écrit sans chapitres ni paragraphes, des questions qui la hantent depuis toujours comme l’amour, l’homosexualité, les parents.

Tiré à 13.000 exemplaires, le livre a bénéficié, dès jeudi 13H00, d’un tirage supplémentaire de 60.000 exemplaires, selon l’éditeur.
Le prix Renaudot de l’essai a récompensé le romancier et journaliste Gilles Martin-Chauffier pour « Le Roman de Constantinople » (éd Le Rocher), qualifié par l’auteur de livre « très favorable à l’entrée de la Turquie en Europe ».