Le livre est-il trop cher ?

La réponse du porte-monnaie est «oui, évidemment, le livre est trop cher pour un budget moyen» [[Merci à Lisa qui m’a inspiré cette chronique]]. S’il existe de multiples occasions de se faire plaisir en achetant à vraiment pas cher, bouquinistes, trocs, réseaux, ou encore seconde-main en brocantes ou vide-greniers, le livre neuf, le livre tendance, le livre « qu’il faut avoir lu » reste beaucoup trop cher, un des derniers exemples en date étant celui de la britannique J. K. Rowling, dont le dernier opus affiche, même si c’est un pavé, un grinçant chiffre de 24 euros au compteur…

Le fait est que le prix actuel du livre grand format reste un thème sujet à polémique, que même si le prix est élevé pour l’acheteur, quand on distribue toutes les parts du gâteau, chacune des parties s’en tire avec plus ou moins de bonheur. Alors pourquoi le livre est-il si cher ? On a beau tout décortiquer, on n’a pas encore trouvé la réponse…

S’il est avéré [[Source : Unionpresse]] que l’auteur ne touche comme subsides qu’un petit 10% (sur un livre à 10 euros, cela fait donc 1 euro dans l’escarcelle), l’éditeur, qui assure souvent également la fonction de diffuseur et distributeur touche 8% parfois donc accompagnés des 27 et 18 % de la promotion-diffusion. Restent 37% pour le point de vente, généralement les libraires et enseignes de la grande distribution culturelle.

Nous avions déjà évoqué ce sujet, vu d’un autre angle, lors d’une précédente chronique, rien n’a changé sous le soleil de 2013… ou en tout cas, point de miracle en vue, car ces 37% sont absolument nécessaires à la survie des librairies de quartier, bien souvent précieuses gardiennes de l’âme d’une rue ou d’un village.

Le livre, même s’il est vendu en grande surface, n’est pourtant pas un objet de consommation comme les autres. Alors que les gondoles de caisses débordent actuellement de Fifty shades, entre chewing-gums et autres bonbons pour la gorge, et que les rayons éventrés par le passage de hordes de chalands puissamment aspirés par le tourbillon des rabais en tout genre [[Les soldes !!!]], témoignent de la bonne volonté des porte-monnaie à s’ouvrir, se vider et se refermer, l’objet-livre n’est pas logé à la même enseigne.

Tout d’abord, sauf cas particulier, le livre n’est pas concerné par les soldes, puisqu’il obéit à la fameuse Loi Lang du 10 août 1981, qui vise à limiter la concurrence, en ce qui concerne le prix de vente, de protéger au mieux la filière-livre, et bien évidemment, d’aider à favoriser la lecture.

Le livre neuf est donc soumis au « prix unique », fixé par l’éditeur, avec une réduction possible de 5% selon les points de vente (grandes enseignes, cartes de fidélité). Avant février 1979, certains s’en souviennent certainement, le prix du livre pouvait varier d’un lieu à l’autre, le prix indiqué n’étant que « le prix conseillé ».

Au niveau des distributeurs, deux grands noms, Hachette Livre et Editis, se taillent la part du lion, avec 65% du marché. Un peu plus loin derrière, on trouve notamment L’Harmattan, Flammarion et Gallimard [[Source : Rapport du Ministère de la Culture, 2010]]. A côté de cela, les petits éditeurs, qui prennent souvent des sous-traitants comme distributeurs, se battent pour se démarquer. Adeptes des réseaux sociaux, proches du public, à l’image de la toute jeune maison d’édition Charleston [[Qui entre officiellement dans la danse le 18 janvier avec la sortie de la saga Les Roses de Somerset de Leila Meacham]], ils misent sur la communication et la qualité.

En France, on aime les livres. Neufs ou d’occasion, rares sont les personnes qui lisent zéro livres par an, sur l’ensemble des citoyens, ce n’est pas rien. Les derniers chiffres en la matière, fournis par le Ministère de la culture dans son rapport annuel, font état d’une moyenne de livres (tous genres confondus) lus sur une année, de 14 pour les hommes contre 17 pour les femmes, avec un pic de lecteurs dans la tranche des 20-24 ans, donc la population estudiantine.

Si les livres pratiques et les polars sont toujours les genres les plus prisés, les romans, contemporains, classiques ou sentimentaux sont en constante progression. 43057 titres publiés, tous genres confondus en 1995, contre 79308 en 2010, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Si l’on entre un peu plus dans le détail, en 2010, sur un total de 15480 titres parus en littérature, 7614 sont des nouveautés. En exemplaires imprimés, cela veut dire 163261 ouvrages sur le marché. Pas mal !

En ce qui concerne un genre qui nous tient à coeur, à Onirik, la romance a proposé 933 titres en 2010, dont 831 nouveautés. Avec le développement de Milady Romance, la diversification qui s’opère chez Harlequin, le livre numérique (légèrement moins cher que la version papier), parions que ce n’est que le début d’une nouvelle ère qui tend vers la démocratisation et la banalisation (dans le bon sens du terme) d’un genre littéraire encore trop dévalorisé et confidentiel [[Voir à ce sujet l’excellent article du numéro de janvier du magazine Causette]].

Donc, oui le livre, en particulier le grand format, est cher, pas de solution-miracle à l’horizon, si ce n’est un sursaut de la part des éditeurs, comme des prix plus attractifs un temps limité par exemple (à l’instar des prix verts pour les DVD, pourquoi pas ? [[Mais là se poserait le problème d’une infraction à la Loi Lang, il faudrait une dérogation spéciale, qui pourrait être valable un temps limité, si cela était juridiquement possible]], ou en version numérique, comme le proposent concrètement les éditions Charleston pour la version à télécharger des Roses de Somerset, à 9,90[[ Mais attention jusqu’au 20 janvier seulement]] au lieu de 22,50 euros en version papier, voilà une excellente idée à creuser.

Que cela ne vous empêche pas de lire, lire, lire, car c’est là l’un des secrets du bonheur, on vous l’affirme ! Bonne année 2013 et belles lectures !