Le serpent à deux têtes – Avis +

Présentation de l’éditeur

A l’aube de la fondation de l’Australie, tandis que Sydney n’est encore qu’un village, les destins de M’rrangoureuk, guerrier aborigène revenu d’entre les morts, et de William Buckley, fugitif britannique, se croisent et se confondent…

Librement inspiré d’événements réels survenus dans le Sud-Est du pays au début du XIXe siècle, Le Serpent à deux têtes fait écho aux interrogations contemporaines sur l’identité et les mélanges culturels dans notre monde globalisé.

Avis de Chris

Alors que l’Australie est, pour les Européens, la Nouvelle Galles du Sud, les indigènes tentent de survivre à l’invasion des colons. Ce continent très vaste et inhospitalier servait de terre d’accueil pour leurs indésirables, faute de pouvoir s’y installer confortablement. A mille kilomètres de Sydney, une tribu fête le retour d’un guerrier mort. Cette résurrection est un événement incroyable et festif, surtout que M’rrangoureuk n’a pas de souvenir de sa première vie. Faible et peu causant, il reste néanmoins très apprécié par la tribu qui se met en quatre pour qu’il soit à son aise.

Parallèlement, William Buckley s’enfuit d’un bagne accompagné de trois autres prisonniers. Seuls dans la nature, sans ressource ni talent de chasseurs, ils errent dans le but d’atteindre la civilisation. Leur liberté a un prix et un coût, ceux de la solitude et du désespoir. Au bout de plusieurs jours, William se détache du groupe et pendant qu’il pense à la mort, des « sauvages » s’approchent de son camp.

Dans Le serpent à deux têtes le destin et l’identité sont deux thèmes prédominants et connexes. Les chemins croisés de nos héros nous apportent un petit morceau du XIXe siècle et du choc des cultures qui en résulte, dans une Australie hostile. Entre les indigènes armés de lances et couteaux archaïques et les colons munis d’armes à feu, le contraste est tellement énorme qu’on se demande si nous ne faisons pas face à deux époques différentes.

La collection Noctambule des éditions Soleil nous propose avec Le Serpent à deux têtes une passerelle entre littérature et bande-dessinée. Originaire du Kosovo, Gani Jakupi est un touche à tout : illustrateur, designer, journaliste, photographe, écrivain, traducteur et encore compositeur de jazz. Artiste dans l’âme, il allie sa passion des mots avec celle de l’image dans cette BD inspirée d’un roman, lui-même inspiré d’une histoire vraie.

Ainsi, Gani Jakupi met en image un roman graphique de toute beauté. Ses dessins sont bruts, presque négligés et, pourtant, le style transmet énormément de notions universelles au lecteur. La colométrie est assez marquée, de façon à avoir une ambiance distincte selon si nous suivons les indigènes ou les colons. Avec une mise en scène et un choix des couleurs réfléchis, on découvre des paysages à couper le souffle, notamment grâce à des doubles pages marquantes, et un scénario surprenant.

Le Serpent à deux têtes est une bande dessinée particulière qui prend son temps pour installer un environnement propice à la découverte. Les personnages, incarnés par des êtres humains qui confrontent leur mode de vie, insufflent tellement de vie que la fin est abrupte. Le récit se déroule sur une trentaine d’années, ce qui entraîne une évolution constante des personnages. Seulement, d’un coup, plus rien. Cela s’arrête net, sans vraiment comprendre le cheminement de pensée de celui qui en est l’origine. Ceci ne semble pas cohérent avec ce que l’on nous raconte tout au long de cette aventure inspirée de faits réels. Il y a une petite déception de ce côté-là.

Il n’empêche que Le Serpent à deux têtes est une lecture agréable tant pour son côté historique que pour ses illustrations qui amènent au voyage.

Fiche technique

Format : cartonné
‏Pages : ‎152
Éditeur ‏: Soleil
Sortie : 15 juin 2022
Prix : 18,95 €