Les Caprices de Miss Mary – Avis +/-

Présentation de l’éditeur

Au décès de sa mère, Mary, la troisième des cinq soeurs Bennet, découvre la liberté. A trente-sept ans, elle qui n’a vécu que pour les autres est bien décidée à ne plus accepter d’entrave à la réalisation de ses rêves.

Et surtout pas le triste chaperon que ses beaux-frères souhaitent lui imposer. Sa décision est prise : comme le journaliste dont elle dévore les articles incendiaires, elle enquêtera sur les conditions de vie misérables des ouvriers du Nord.

Alors que sa famille craint qu’elle y perde sa réputation, Mary se lance avec fougue dans l’aventure. Mais son enthousiasme se heurte à la réalité de l’Angleterre en ce début de XIXe siècle.

Vingt ans après la fin d’Orgueil et Préjugés, ce roman – une suite du chef-d’oeuvre de Jane Austen – brosse le portrait d’une femme à l’esprit libre, féministe avant l’heure, qui n’hésite pas à braver les interdits pour faire triompher ses convictions.

Avis de Claire

Avec son titre français trompeur, Les Caprices de Miss Mary, difficile d’imaginer que ce roman de Colleen McCullough, mondialement connue depuis le succès planétaire des Oiseaux se cachent pour mourir – fabuleuse saga – est une suite du célèbre Orgueil et Préjugés de Jane Austen.

Quoique le terme « suite » apparaît quelque peu galvaudé, tant la romancière australienne a pris un malin plaisir à casser le mythe. Se focalisant sur le point précis où Jane Austen s’arrête, le mariage dans tout ce qu’il a de plus routinier, elle désacralise les personnages, les imaginant complètement à l’opposé de l’idéal austenien.

Colleen McCullough a reconnu en interview, que si elle respecte Jane Austen, elle n’a aucune tendresse particulière pour le couple Lizzie et Darcy. Elle n’a donc eu guère de difficultés à se prêter à cet authentique exercice de style, à savoir malmener les héros les plus populaires de la littérature britannique.

Shocking au pays de Pemberley ! Le mariage de Fitzwilliam Darcy et Elizabeth Bennet est loin d’être idyllique, une lassitude s’est installée entre eux, précédée par l’acide regret du héros quant à ce mariage bien en dessous de sa condition. De fait, la famille Bennet représente pour lui une charge trop lourde. Quant à Jane (la plus jolie des soeurs) et Bingley, à la tête d’une tripotée d’enfants, dont sept garçons, ils tirent l’essentiel de leurs revenus des plantations aux colonies, peu flatteur.

A la mort de Mrs Bennet, -quel soulagement- !, voilà que Mary, sans doute jusque-là la plus discrète et la plus effacée des soeurs, réclame son indépendance, faisant fi de toutes les convenances, d’où le titre en version originale, beaucoup plus évocateur The Independance of Miss Mary. Or, en ces temps obscurs, une femme ne peut vivre seule, ni voyager, fût-elle de bonne famille, comme Mary.

Bien au contraire, sa soif de liberté risque de compromettre le nom des Darcy, et cela son beau-frère ne peut le tolérer, son ambition politique dévorante ne lui permet aucune faille. On est bien loin du fantasme du parfait gentleman, ce Darcy-là tient (presque !) plus de Barbe Bleue que du Prince charmant.

Colleen McCullough prend un évident plaisir à démanteler pièce par pièce ce fantasme Darcy, rien n’est rose ni sans tâche à Pemberley. Une fois ce postulat accepté, quel plaisir de voir évoluer le personnage de Mary le laideron. Avec d’authentiques raccourcis et quelques solutions simplistes, la voilà devenue une magnifique jeune femme de trente-huit ans, ce qui, avec notre regard contemporain, est bien loin d’être choquant, elle a encore toute la vie devant elle.

Et c’est bien ce que la romancière va s’escrimer à faire pendant quelques 470 pages, que l’on lit sans se lasser, où l’on sourit avec indulgence ou encore où l’on grince des dents en constatant quel destin est réservé à tel ou tel personnage. Bref, on ne s’ennuie pas une seule seconde, et cela en dépit de quelques lourdeurs dans la traduction dues à un usage intensif et parfois malvenu du passé simple, ou encore de digressions excessivement rocambolesques.

Si les aventures de Miss Mary sont parfois complètement abracadabrantes, elles sont parfaitement assumées, dans l’esprit d’une exagération volontaire et d’un contre-pied jouissif, par un auteur qui prend pleinement les responsabilités de ses choix romanesques et revendique visiblement une bonne part d’ironie.

Que l’on se rassure, tout rentrera dans l’ordre, une fois le voyage initiatique et les épreuves dépassées, Miss Mary, anti-conventionnelle et féministe avant l’heure, aura aussi sa part de bonheur. Mais soyez prévenus, pour apprécier ce roman, il faut une bonne dose de dérision et surtout accepter de prendre du recul par rapport à l’oeuvre originale.

Fiche technique

Format : poche
Pages : 472
Editeur : Archipoche
Sortie : 15 juin 2011
Prix : 8,65 €