Les Enfants de Don Quichotte : acte 1 – Avis +

Présentation

Ce film qui sortira sur les écrans le 22 octobre est un documentaire qui raconte de l’intérieur le mouvement des Enfants de Don Quichotte qui deffraya la chronique au cours de l’hiver 2006-2007. Il s’agit en l’espèce d’une sorte « d’auto-documentaire », c’est à dire un film qu’ils ont eux-mêmes réalisé sur leur propre action.

Avis de Luk

On aurait pu craindre d’un tel film qu’il soit auto-complaisant, ou bien qu’il soit l’occasion d’un ennuyant nombrilisme ou encore qu’il constitue un long spot de pub pour la cause, certes légitime, des SDF. Ce n’est pourtant pas le cas, les enfants de Don Quichotte ont réalisé un véritable film qui relate avec sincérité le mouvement tel qu’ils l’ont vécu.

Certes, au tout début, avant les tentes ne soient installées, on sent que les protagonistes jouent pour la caméra. Cela s’efface très rapidement dès que les choses sérieuses commencent, ils n’ont rapidement ni le temps ni l’esprit de se mettre en scène.

La principale qualité de ce documentaire, parfaitement cadré et réalisé, est qu’on y trouve les mêmes accents de véracité que lors des interventions d’Augustin Legrand dans les médias. L’intolérable réalité de la misère est clairement dénoncée comme telle, sans langue de bois, avec même une certaine rudesse de langage. L’évidence redevient enfin visible.

Le long métrage ne vise pas à faire larmoyer sur les misères des SDF et ne raconte pas le mouvement dans le menu détail. Les quelques personnes à la rue qui témoignent mentionnent des épisodes extrêmement durs de leur vie, mais le propos n’est pas d’aller tirer la larme de l’œil du spectateur, ni de satisfaire son appétit pour les histoires sordides.

Au cours du déroulement, on mesure la profondeur des abîmes et la puissance des moments d’exaltation sans jamais rentrer dans une démonstration didactique ou lourdingue. Il y a beaucoup de pudeur dans cette présentation qui donne à comprendre mais pas à voir. Il ne constitue pas une façon de vivre ces évènements par une intermédiation cinématographique, il fallait pour cela avoir le courage de répondre à l’appel des enfants de Don Quichotte en temps voulu et les vivre en vrai. En revanche il permet d’appréhender les motivations et les enjeux de cet engagement, à la fois d’un point de vue de la raison mais aussi d’un point de vue sensible. En effet, on comprend le courage qu’il faut pour concrétiser une idée qui n’a rien d’évident.

Cette pudeur mise en oeuvre au cours du film contraste néanmoins avec l’honnêteté des sujets abordés. On devine la précarité du mouvement, sa fragilité et le risque constant qu’il bascule dans le chaos, les doutes de chacun, les convictions parfois un peu forcées mais surtout la résolution à aller jusqu’au bout. Les enfants de Don Quichotte montrent comment ils ont dû résoudre des problèmes pratiques que l’on imagine nombreux : faire face au froid, au bruit, à la faim, au découragement des troupes, à la propension de certains à faire du bruit et à boire…. Ils ne cachent pas plus leurs doutes, l’énervement face aux agitateurs qu’il faut tenir éloignés ou la déception de voir que si peu de « logés » feront le déplacement pour dormir sur place, alors que c’était l’ambition initiale de l’opération.

Les rapports avec les médias sont tout particulièrement intéressants. Les grands médias, court-circuitant la message de l’association en quelque chose de plus vendeur achèvent de rendre ce film nécessaire. Plus que jamais la communication est une arme et les enfants de Don Quichotte la manient à merveille. Ils ont raison de ne laisser à personne d’autres qu’eux-mêmes la tâche d’expliquer le pourquoi et le comment de leur mouvement. Le contraste des quelques rares scène tirées de journaux télévisés est saisissant. On se souvient de l’OVNI Augustin Legrand dans les JT, tranchant par son ton naturel, sa conviction et le fait qu’il appelle un chat un chat… Ici, ce sont les images du journal télévisuel noyées dans un documentaire qui semblent totalement fausses, insipides, stériles. Ils règlent également leur compte avec quelques politiques. En quelques scènes, on prend une belle leçon de négociation et on découvre les trafics d’égo qui sont normalement cachés au public.

Le propos insiste en dernier lieu sur le travail en commun avec les autres associations pour lesquelles les enfants de Don Quichotte affirment avoir voulu servir de porte voix. Au dire de la conférence qui a suivi le l’avant-première, l’une des réussites du mouvement a été d’amener tout le monde à une même table.

C’est en définitive le principe moteur des enfants de Don Quichotte : ne rien cacher de l’essentiel. L’une des premières scènes du film le résume en définitive à la perfection. On voit ainsi Augustin Legrand sautant nu dans un canal, sortir de l’eau frigorifié pour appeler tout à chacun à aller dormir dehors avec les SDF. Cette action initialement diffusée sur internet pour lancer le mouvement peut sembler relever du cabotinage mais elle est pleine de symboles : on pense au plongeon dans la Seine promis par Jacques Chirac (Président à l’époque des faits) qu’il n’effectuera jamais, c’est également le signe qu’on ne va pas se contenter de paroles sincères, mais que les convictions seront prolongées par des actes et un engagement physique. C’est un engagement symbolique consistant à se lancer dans une telle opération, en un mot, de se jeter à l’eau.

C’est finalement une autre forme de nudité qui est montrée lorsqu’ils abordent la réalité de la rue, leurs propres doutes faces à cette action d’une ambition folle et pourtant totalement raisonnable, les mensonges des médias et des politiques. Leur principale force est leur intégrité, leur détermination à expérimenter la dureté de la réalité, pour s’infliger à eux-même l’urgence de régler un problème intolérable. Nul doute que si tous les décideurs s’astreignaient à dormir dehors jusqu’à avoir trouvé une solution au problème des SDF, celui-ci serait rapidement réglé.

Ce film est donc un témoignage important qui pour le moins vous permettra d’entendre directement ce que les enfants de Don Quichotte ont à dire sans passer par la voix déformée des médias et qui au mieux vous donnera le courage de vous jetez nu dans l’eau glacée pour l’acte 2 ou 3, qui sait ?

L’intégralité des bénéfices du film, produit en autre par Mathieu Kassovitz, iront aux enfants de Don Quichotte, ce qui constitue une raison supplémentaire d’aller le voir.

Fiche technique

Sortie : 22 octobre 2008

Genre : documentaire

Durée : 77 minutes