Les Larmes noires sur la terre – Avis +

Présentation officielle

Avec pour unique trésor son nourrisson dans les bras, la jeune Moe est amenée de force dans un centre d’accueil pour déshérités, surnommé « la Casse ».

La Casse, c’est une ville de miséreux logés dans des carcasses de voitures posées sur cales. On attribue à Moe une 306 grise. Plus de sièges arrière, deux couverture, et voilà leur logement, à elle et au petit.

Au milieu de l’effondrement de sa vie, Moe connaît enfin un coup de chance : dans sa ruelle, cinq femmes s’épaulent pour affronter la noirceur du quartier. Elles vont les adopter, elle et son fils, et chercher ensemble une solution pour s’en sortir. Mais à quel prix ?

Avis de Chris

Moe n’a pas de chance. Après des années de galère, à trimer pour quelques sous, à encaisser les insultes, les coups et à éviter le pire pour elle et son fils, Moe finit tout de même dans la Casse. A la télévision, elle avait vu ces gens, ces miséreux, ces crève-la-dalle qui sont la honte de la société française et qui s’entassent par milliers dans des casses automobiles. Et la voilà, elle, parmi ces cas sociaux, comme les nomme Rodolphe, celui par qui toute cette histoire a commencé. Avec comme simple balluchon, son bébé qu’elle chérit tant, on lui assigne un emplacement : une vieille 306 dans un quartier plutôt sympa pour le lieu.

Pour Moe et son petit garçon discret, la dure réalité de cette prison à ciel ouvert sera plus douce grâce à la vieille Ada, Nini Peau-de-chien ou encore Poule, Marie-Thé et Jaja. Malgré les conseils et les bons soins de ces femmes qui connaissent la Casse comme leur poche, Moe sera confrontée à des situations qui l’endurciront et qui la briseront petit à petit. Le mince espoir qu’elle s’était créé a été détruit par l’assistante sociale qui lui propose de mettre à l’adoption son fils. Il faut dire que le taux de sortie de cet enfer est de 0,01%… Seules six personnes en trente ans ont pu retrouver une vie normale.

Sandrine Collette a un style d’écriture vraiment déroutant de prime abord. Moins prononcé dans ce roman que dans Après la vague[[Sorti aux éditions Denoël le 18 janvier 2018 et en poche le 20 février 2019]], il donne une dimension plus marquée aux sentiments, aux petits gestes du quotidien qui paraissent anodins et qui, pourtant, dirigent la vie de tout un chacun.

Parfois trop détaillé, on peut se sentir frustré par la lenteur de l’histoire. Cependant, cette façon d’écrire, si on y adhère, nous fait nous sentir concernés et investis par les personnages. Il est facile de se mettre à la place de ces cinq femme brisées, mais qui ont tant d’espoir, dans cette ville-prison pourrie par la corruption, la drogue, les trafics en tous genres et la déshumanisation.

Moe et ses consœurs pourraient très bien être une connaissance, une proche, ou nous-mêmes. Il est si facile de tomber dans la misère par un coup du sort, des erreurs ou par manque de chance. On se met alors facilement à leur place et on souffre presque à travers leur passé, leur présent et leur futur. De plus, on apprend petit à petit à les connaître, à travers leurs histoires, leur enfance marquée par des drames, par la maltraitance ou par un enchevêtrement de malchances. Les suivre dans un quotidien rude nous empêche de lâcher le livre.

Les larmes noires sur la terre est un roman qui touche au genre de l’anticipation, évoquant les dérives humanitaires à venir et les limites du social. La vision de l’auteure est vive, sombre, mais tellement crédible. Impossible de ressortir indemne de cette lecture si pleine d’émotions, si profonde et si ancrée dans une réalité proche de la nôtre.

Fiche technique

Format : broché
Pages : 336
Editeur : Denoël
Sortie : le 31 janvier 2018
Prix : 19,90 €