Les Oiseaux

Un projet de remake du film Les oiseaux d’Alfred Hitchcock serait en cours de concrétisation, avec l’actrice australienne Naomi Watts, sur un scénario réécrit par Leslie Dixon qui avait œuvré sur la nouvelle version de l’affaire Thomas Crown (avec Pierce Brosnan et Rene Russo) en 1999. Souvenez-vous de ce classique qui a fait frissonner d’horreur les spectateurs des années 1960. Melanie Daniels (Tippi Hedren) une jeune femme un peu snob de la bonne société de San Francisco se rend à Bogeda Bay pour offrir deux « inséparables » (love birds) en cage à la petite sœur d’un avocat, Mitch (Rod Taylor) qu’elle trouve attirant malgré l’opinion peu flatteuse qu’il semble avoir de cette <img2099|right>dilettante trop gâtée. Eraflée au front dès son arrivée, par une mouette, elle est invitée à rester deux jours dans la famille du jeune homme, dont la mère se révèle possessive et jalouse. Commencent alors diverses attaques d’oiseaux, de plus en plus terrifiantes, jusqu’à ce qu’ils envahissent la ville, provoquant la mort sur leurs passages.

Nous pouvons nous demander si un remake de cette histoire est vraiment nécessaire. Michael Bay, le réalisateur d’Armageddon, pourra-t-il transposer, non pas les histoires mises en scène par Hitchcock qui sont d’une lecture linéaire d’une totale transparence, mais les deuxième, troisième et énième degrés du maître, qui ont fait de ces intrigues tout public, d’authentiques films d’auteur ? Rien n’est moins sur. Toutes les tentatives jusqu’ici ont été de réels échecs, que ce soit le fade et inutile Psycho (qui pourtant reprend plan par plan le fameux Psychose) ou bien Meurtre parfait dont Andrew Davis (réalisateur du très bon Le fugitif) avait souhaité moderniser l’histoire, et n’avait filmé qu’une petite série B vite oubliée, malgré de bons acteurs.

Ou se trouve le secret d’Hitchcock ? Alors que les intrigues de ses films sont souvent banales et déjà vues, ce réalisateur sublimait ces histoires. Dans le célèbre livre d’entretiens menés par François Truffaut, Alfred Hitchcock raconte que ce qui lui a plu dans la nouvelle de Daphné du Maurier, c’est qu’il s’agit d’oiseaux ordinaires, d’oiseaux de tous les jours. Il précise aussi qu’il a eu le souci de ne pas motiver l’action agressive des oiseaux, pour apporter une angoisse de « l’inconnu » supplémentaire, donnant ainsi le ton du film. Certaines scènes sont restées cultes. L’attaque de la ville du point de vue des mouettes (surprenantes prises de vue de très haut décrite ainsi par François Truffaut), ou encore Melanie enfermée dans la cabine téléphonique et qui voit soudain la ville à feu et à sang, devenant elle-même l’espace de quelques minutes un oiseau impuissant en cage…

Ainsi observons ladite Melanie, assise sur un banc, attendant que les enfants sortent de l’école. Pendant ce temps, les corbeaux s’assemblent peu à peu derrière elle… Hitchcock raconte lui-même que la vieille technique pour obtenir le suspense aurait consisté à diviser la scène davantage : montrer les enfants qui sortent de la classe, puis passer aux corbeaux qui attendent, puis aux enfants qui descendent l’escalier, puis aux corbeaux qui s’apprêtent, puis aux enfants qui sortent de l’école, puis aux oiseaux qui s’élèvent, puis aux enfants qui courent et enfin aux enfants qui sont attaqués. Là, la caméra reste quarante seconde sur l’héroïne qui fume, elle regarde autour d’elle et voit un corbeau, elle continue de fumer, les minutes passent et quand elle regarde, elle voit tous les corbeaux assemblés, scène observée depuis le début par le spectateur qui comprend le danger bien avant elle, alors qu’il entend la comptine lénifiante chantée par les enfants « innocents ».

D’où comme le plus souvent chez Hitchcock, l’importance énorme de la bande son. Le compositeur attitré du maître, Bernard Herrmann n’a pas fait de musique mais a seulement orchestré des sons. Ce sont de vrais bruits d’oiseaux, des battements d’ailes stylisés. Pour Hitchcock, « il fallait obtenir une vague menaçantes de vibrations plutôt qu’un son d’un seul niveau ». Les fameuses attaques sont ainsi des réussites du genre, peu de sang mais une violence sonore extrême…

Anecdote : Alfred Hitchcock n’a pas eu les moyens financiers et technologiques de créer la scène finale qu’il souhaitait. Les héros arrivaient donc à s’enfuir et retournaient à San Francisco, soulagés d’avoir échappé à la mort. Mais, la voiture s’approchaient du Golden Gate à l’entrée de San Francisco, et à leur grand effroi, ils voyaient des milliers d’oiseaux assemblés sur toute l’armature du pont, attendant dans un silence terrifiant d’attaquer la ville…

Le remake pourra-t-il s’approcher de l’original, que ce soit dans la progression de l’horreur, ou dans l’intelligence novatrice inégalée du style, rien n’est moins sûr !