Marvin ou la belle éducation – Avis +

Présentation officielle

Martin Clément, né Marvin Bijou, a fui. Il a fui son petit village des Vosges. Il a fui sa famille, la tyrannie de son père, la résignation de sa mère. Il a fui l’intolérance et le rejet, les brimades auxquelles l’exposait tout ce qui faisait de lui un garçon «différent». Envers et contre tout, il s’est quand même trouvé des alliés. D’abord, Madeleine Clément, la principale du collège qui lui a fait découvrir le théâtre, et dont il empruntera le nom pour symbole de son salut. Et puis Abel Pinto, le modèle bienveillant qui l’encouragera à raconter sur scène toute son histoire.

Marvin devenu Martin va prendre tous les risques pour créer ce spectacle qui, au-delà du succès, achèvera de le transformer.

Avis d’Anna

C’est un truc de dégénéré comme un genre de maladie mentale. C’est la réponse que Marvin obtient de son père lorsqu’il lui demande ce qu’est un pédé.
Les mots autant que les actes ou leurs absences marquent au fer rouge, forgent, mais parfois aussi tuent. C’est un des enseignements les plus importants qui ressortent du dernier Anne Fontaine.

À travers la narration croisée de l’enfance et de la vie d’adulte de Marvin, la réalisatrice met en scène deux sujets aujourd’hui encore tabous : l’homosexualité et le harcèlement.
Harcelé, tourmenté, insulté et humilié au collège, c’est un jeune garçon mal dans sa peau que l’on découvre à l’écran. À côté de cela, sa famille est un joyeux mélange dysfonctionnel où règnent homophobie, racisme, violence et alcoolisme.

Pourtant, ses harceleurs sont paradoxalement ceux qui révèlent Marvin à lui-même. En effet, ils jouent un rôle prépondérant dans la construction du jeune garçon : construction de son identité, de sa sexualité, mais également de sa relation à sa famille. C’est à cette période sensible qu’il découvre le désir charnel et réalise sans se l’avouer son attraction pour les garçons. C’est aussi à ce moment qu’il se met à refouler ce qu’il est puisqu’il découvre le vrai visage de sa famille. Il se rend compte de l’homophobie de certains d’entre eux à travers les insultes qu’il reçoit à l’école. Marvin n’a sa place nulle part.
Ainsi, l’homophobie et le harcèlement dont il fait l’objet perturbent ce jeune garçon en quête de repères et d’amour.

Dans ce chaos, il réussit cependant à trouver des personnes pour l’aider. De la principale de son collège à son amant, Marvin rencontre de bons samaritains qui en plus de l’aider dans sa carrière, l’amèneront sur le chemin de sa propre acceptation.

À l’image de sa principale, Madeleine Clément (Catherine Mouchet) qui lui fait prendre au goût au théâtre et le connecte ainsi à sa vocation. En le poussant et en l’encourageant à faire du théâtre, elle lui fait découvrir les pouvoirs performatifs et cathartiques du théâtre. La scène devient une planche de salut pour cet adolescent. C’est l’option théâtre qui lui permet de partir de sa petite ville et de ne pas devenir comme sa famille. C’est l’art qui lui donne la possibilité d’exprimer pleinement ce qu’il est et de raconter son histoire personnelle.

Par ailleurs, Madeleine est aussi une figure maternelle de substitution pour lui. Son soutien, ses encouragements et sa confiance offrent au garçon l’opportunité de prendre confiance en lui-même et en ses capacités. Ainsi, de multiples figures tutélaires accompagnent le héros tôt et le guident tout au long du film et de sa vie, et lui permettent de transformer sa différence en élément salvateur et bienfaiteur.

Une autre grande force du film est son montage. Il renseigne à la fois sur l’itinéraire psychologique du protagoniste, mais aussi sur l’attachement de la réalisatrice à son sujet. L’usage du montage alterné accentue l’ambivalence du personnage de Marvin, et souligne les excellentes performances de Finnegan Oldfied et de Jules Porier. Ne vous laissez pas avoir par la jeunesse de ce dernier, dont le jeu est d’une justesse et d’une maturité remarquables.
Anne Fontaine ne fait pas dans les raccourcis et ne ménage pas la sensibilité de son spectateur. Elle ne recule pas face à la violence et aux horreurs subies par son héros, qu’elle montre à grands renforts de champ-contrechamp et de plans rapprochés. Elle s’immisce dans l’intimité de ces jeunes et révèlent les affres du harcèlement.

Toutefois, ces mauvais traitements n’ont pas terni ce personnage qui se révèle d’une douceur et d’une force insoupçonnées. Son passé ne détermine pas son avenir, mais plutôt le renforce.

Le montage est appuyé par les nombreux effets de miroir entre passé et présent, mais aussi entre les personnages. L’apparition par alternance des deux Marvin renseigne sur l’évolution et la maturation du personnage. Son passé et son présent se répondent, mais aussi s’affrontent dans un jeu de miroirs constant qui culmine magistralement à l’épilogue. De plus, la vie de son mentor, Abel, fait écho à la sienne : de leur homosexualité, à leur amour du théâtre, à leurs origines sociales, ou encore au rejet familial, ils ont de nombreux points communs. Et ce sont précisément ces éléments qui poussent Abel à le prendre sous son aile.

À la manière d’un bildungsroman, Anne Fontaine nous livre un film sur la réconciliation, la résilience, et le chemin d’un jeune garçon homosexuel vers sa propre acceptation. Marvin ou la belle éducation illustre une constante, pourtant toujours surprenante, dans le cinéma de la réalisatrice : sa maîtrise technique et narratologique sans égal. Elle nous prend par les tripes et l’émotion est au rendez-vous.

À vos mouchoirs !

Fiche technique

Sortie : 22 novembre 2017
Durée : 113 minutes
Avec : Finnegan Oldfield, Jules Porier, Vincent Macaigne, Grégory Gadebois, Isabelle Hupert, Catherine Salée, Catherine Mouchet, Charles Berling
Genre : Drame
Distributeur : Mars Films