Nord et Sud – Avis +

Présentation de l’éditeur

Cette fresque extrêmement vivante aborde un certain nombre de problèmes encore d’actualité aujourd’hui. Ce regard du siècle dernier interroge le nôtre avec une acuité qui ne peut manquer d’intéresser le lecteur moderne.

L’auteur

Elisabeth Gaskell (1810-1865) est poussée à écrire par son mari pour surmonter la dépression dans laquelle elle sombre à la suite de la mort de son fils emporté à dix mois par la scarlatine. Son premier roman Mary Barton est un succès qui lui vaudra de collaborer sur l’hebdomadaire de Charles Dickens. Elle sera l’amie de George Eliott et de Charlotte Brontë dont elle écrira la biographie.

Présentation de l’éditeur

Margaret Hale est la fille d’un pasteur anglican installé dans un village du sud de l’Angleterre. Quand son père décide d’abandonner sa charge et de s’installer à Milton, une ville industrielle dans le nord, en tant que précepteur, Margaret découvre alors cet « enfer blanc » qu’est l’industrie cotonnière. Elle va se heurter à John Thornton, patron d’une filature locale. Cet homme qui a commencé comme commis avant de se hisser à cette place a une vision tres manichéiste de la société, pour lui la misère est la punition des gens faibles s’adonnant aux plaisirs alors que pour Margaret ceux qui ont réussi, ont le devoir d’aider, d’instruire et de former les autres.

En se liant d’amitié avec une jeune ouvrière, Bessy, dont le travail à l’usine a ruiné la santé, à cause des poussières de coton qu’elle a respirées, Margaret prend conscience des conditions de vie déplorables des ouvriers. Lorsque la grève éclate ce sera une occasion de plus pour Thornton et Margaret d’affronter leurs idéaux. A lieu alors le premier quiproquo amoureux, John enflammé par la personnalité de la jeune femme la demande en mariage dès le lendemain, mais Margaret pensant que c’est une façon de payer sa dette pour avoir désamorcé une situation explosive, vit cette demande comme une offense. D’autres drames et d’autres quiproquo surviendront dans la vie des deux jeunes gens , drames qui les éloigneront avant de mieux les rapprocher.

Avis de Stéphanie

Parmi les nombreuses romancières victoriennes, il en est une, à la voix toute singulière, qui, à pas feutrés, a réussi le pari risqué de décrire les maux de l’Angleterre ouvrière avec subtilité.

Certains pensent peut-être que Nord et Sud n’est juste qu’une histoire d’amour sur fond de quelques vérités historiques mais il n’en est rien. L’œuvre d’Elizabeth Gaskell est bien plus qu’un roman sentimental, il est le reflet des prémices des luttes ouvrières syndicales, de la pauvreté de toute une classe et surtout, de sa fierté et sa détermination.

Douée d’une forte conscience sociale, peut-être trop rare à l’époque, l’auteure raconte des histoires individuelles et collectives violentes symbolisées par la rencontre de deux personnalités aussi sensibles qu’opposées. Margaret et John s’affrontent, se cherchent, mais au-delà de ces confrontations c’est la prise de conscience et l’acceptation de l’autre qui est en jeu.

L’Angleterre change, la noblesse et les domaines agricoles doivent laisser place à l’innovation industrielle et toutes ses conséquences. L’auteure surprend par sa manière de percevoir les rapports de pouvoirs, patrons et ouvriers pouvant apprendre l’un de l’autre, et ceci ne peut que nous interroger sur l’évolution de cette perception et de ce conflit qui au final, fait encore écho aujourd’hui.

Un roman complexe et dense qui dépeint une classe industrielle nouvelle prise sur le vif, à l’aube où les consciences s’éveillent et que le mouvement méthodiste s’installe. Une grande fresque sociale très bien documentée, passionnante, que l’on a bien du mal à quitter.

Avis d’Enora

Quand on remet le roman dans le contexte de l’époque, on se rend compte que Margaret est un personnage très moderne autant par sa vision de la femme que par son engagement politique. Ceci est mis en exergue par le personnage de sa cousine Edith qui mène la vie d’une femme classique du XIXe siècle. Margaret s’instruit, s’autorise à penser et à s’exprimer, elle est animée d’une curiosité insatiable et n’hésite pas à franchir les barrières sociales dans ses amitiés. Elle admire John pour son courage, son humanité et son intégrité même si leur vision de la société les oppose.

A travers leurs nombreuses discussions l’auteur nous montre que ni l’un ni l’autre ne détient la vérité, chacun réagissant en fonction de ce qu’il a vécu. Et c’est ça la grande force de ce livre, à la fin John et Margaret essaieront de conjuguer au mieux les intérêts du patronat et ceux des ouvriers en sachant que rien n’est parfait et que d’autres crises surgiront. De même pour le jeune couple dont la vie ne s’annonce pas comme « un long fleuve tranquille », Margaret a mûri tout au long de cette histoire et a décidé de prendre sa vie en main « elle avait compris qu’elle devrait un jour répondre de sa vie et de l’usage qu’elle en avait fait et elle s’efforça de résoudre ce problème si épineux pour les femmes, à savoir comment doser l’obéissance à l’autorité et la liberté d’action »

Ce livre nous instruit sur la condition ouvrière du nord industriel, sur l’émergence des syndicats, sur la lutte des classes, sur la marine britannique aussi. La Marine où le capitaine avait encore droit de vie et de mort sur son équipage et où le fouet était la réponse à tout manquement.

L’auteur fait dire à un de ses personnages : « La loyauté et l’obéissance à la sagesse et à la justice sont de nobles sentiments mais il est plus noble encore de défier un pouvoir arbitraire, utilisé de façon cruelle et inique et cela, non pour nous défendre nous, mais pour défendre les plus faibles ». Et c’est ce que j’aime dans ce roman, ce mélange de sensibilité, de romanesque et de subversif.

La trame affective rappelle énormément Orgueil et Préjugés mais ce qui différencie Elisabeth Gaskell de Jane Austen c’est la peinture sociale dont l’auteur émaille son roman et aussi la richesse intérieure des personnages principaux et secondaires. Avec ce livre, Elisabeth Gaskell dresse un tableau historique de son époque que le lecteur va suivre passionnément à travers le questionnement intérieur de ses personnages et leur recherche sentimentale.

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 512
Editeur : Fayard
Collection : Littérature générale
Sortie : 1 octobre 2005
Prix : 25 €