Pour éviter le krach ultime – Avis +

Présentation de l’éditeur

« Comment dire la gravité de la crise ? Comment, aussi, reconstruire l’espoir ? Telles sont les deux questions fondamentales auxquelles répond ce livre lumineux et essentiel, en faisant un sort à quelques idées préconçues qui nous empêchent de penser l’avenir : Non, la crise n’est pas finie et la crise financière n’est que la partie émergée de l’iceberg.

Non, le chômage et l’accroissement des inégalités ne sont pas des conséquences de la crise ; ils en sont la cause fondamentale. Non, la mondialisation n’est pas coupable, même s’il est urgent de l’humaniser. Non, la croissance ne reviendra pas et il est vital d’inventer très vite un nouveau modèle de développement. Pour éviter que l’Histoire ne se répète. »

Stéphane Hessel

Avis de Luk

Pierre Larrouturou est l’un des rares économistes français à avoir vu venir la crise financière de 2008. Le titre de son livre Pour éviter le krach ultime avec sa couverture noire où figure une corde usée sur le point de craquer distille une anxiété certaine. Celle-ci se confirme à la lecture du livre.

Pierre Larrouturou affirme que la crise n’est pas passée, une récession profonde nous attend dans un délai de 4 ans et elle sera bien pire que ce que nous avons connu ces dernières années. Il évoque même le risque de la guerre.

Les annonces d’apocalypses ne sont jamais plaisantes à lire et sont toujours auréolées d’un soupçon de théorie du complot, de pessimisme malsain. S’il fallait prendre au sérieux chaque catastrophe annoncée, notre vie serait un enfer. On pourrait donc craindre un livre catastrophe de plus, cherchant le succès en alimentant les angoisses des lecteurs. Le livre va pourtant bien plus loin.

Premier élément de crédibilité, le livre est préfacé par Stéphane Hessel. Larrouturou est par ailleurs lié entre autre à Edgard Morin et Michel Rocard, trois personnes qu’on ne voit pas vraiment verser dans la théorie du complot ou crier au loup pour le plaisir de se faire peur.

Second élément de crédibilité, le livre s’ouvre sur les citations assez alarmantes de deux prix Nobel d’économie : Joseph Stgliz et Paul Krugman. Ils sont cités à maintes reprises dans le livre, montrant qu’eux aussi n’ont pas tellement foi dans l’avenir du système actuel. Son propos n’est donc pas marginal et illuminé.

Certes il est catastrophiste, mais ce n’est pas gratuit. L’essentiel est que le livre ne vise pas uniquement à alerter mais aussi à comprendre et à proposer des solutions. On peut en conséquence regretter la présentation et le titre du livre qui discrédite un peu sa valeur réelle.

Le livre s’articule autour de trois parties. En premier lieu, celui du constat. L’objectif est de « dire la gravité de la situation ». C’est la partie qui fait peur, elle vise à réveiller le lecteur de sa torpeur.

Dans un second temps, Larrouturou présente son analyse de la situation. Il offre une compréhension de la situation, il « pose son diagnostic », la dernière partie est dévolue à la proposition de solutions. Si l’auteur affirme qu’il y a vraiment matière à s’inquiéter il affirme également que les solutions existent, à condition de bien vouloir les mettre en place. L’objectif final du livre est d’amener le lecteur à se mobiliser. La conclusion intitule ainsi : tous acteurs, tous responsables.

Pour éviter le krach ultime est un excellent livre de vulgarisation économique. Il est écrit pour être compris par le plus grand nombre sans toutefois faire l’impasse sur les détails et les subtilités. Il est bien entendu agrémenté d’une foule de citations et de statistiques qui sont rendues accessibles par l’auteur et qui assoient et illustrent son propos.

Larrouturou précise que pour lui  l’économie est complexe mais pas compliquée. Cela signifie que les sujets économies étant tous reliés entre eux, il est nécessaire d’avoir une vue d’ensemble pour les comprendre mais que dans le même temps, ces phénomènes sont finalement simples à comprendre. L’objectif est une réussite, Larroutrou sait rendre les choses limpides et ses thèses en sont d’autant plus convaincantes.

La clé des idées avancées dans l’ouvrage est que notre société souffre d’un chômage considérable. C’est lui qui est la cause de bien d’autres problèmes. Bien souvent camouflé derrière des artifices statistiques et une précarisation du travail, le chômage massif provoque l’immobilisme social et réduit les ressources disponibles.

Ce chômage de masse résulte des forts gains de productivité engrangés depuis 30-40 ans, gains qui n’ont plus été partagés avec les salariés alors que c’était la règle pendant les 30 glorieuses. Cet arrêt du partage des gains de productivité ont progressivement réduit la demande et entraîné les pays dans une spirale de concurrence au dumping social.

Autre conséquence, la menace du chômage fait taire le mécontentement de ceux qui, ayant la chance d’avoir un travail que beaucoup d’autres envient, travaillent trop ou dans de mauvaises conditions.

Larrouturou explique comment la finance s’est parallèlement libérée des gardes fous qui avaient été mis en place à l’issue de la crise de 29, notamment la séparation entre banque d’affaire et banque de dépôt qui permettait de laisser sombrer les spéculateurs en faillite sans faire faire conséquence sur les ménages et les entreprises qui font tourner l’économie réelle.

Pour l’auteur, la situation actuelle est tout à fait comparable à celle de 1929 et l’issue terrible de l’époque, la seconde guerre mondiale est également envisagée comme une conséquence probable aujourd’hui. Là encore cette angoissante assertion est documentée et appuyées par d’autres personnalités de poids et des statistiques comme par exemple l’évolution des dépenses d’armement en Chine notamment.

L’idéologie économique actuelle est également démontée. L’idée selon laquelle il faudrait attendre le retour de la croissance (dont Nicolas Sarkozy déclarait il y a 5 ans qu’il irait la chercher avec les dents) est une absurdité. Il énonce d’une part le dilemme actuel où les plans de relance s’appuyant sur plus d’endettement ne font qu’alimenter la prochaine crise.

Il faudrait alors choisir entre ne rien faire et sombrer ou s’endetter à nouveau et se préparer une crise encore plus profonde pour l’avenir. Outre le fait que le moteur de la croissance que nous connaissions est cassé, justement en raison du chômage, les facteurs environnementaux et énergétiques sont une seconde raison pour laquelle la croissance conventionnelle constituerait de toute façon une catastrophe.

On note toutefois dans le livre l’absence de la thématique monétaire, notamment celle de la création monétaire qui marque pourtant une grosse différence par rapport à la crise de 1929. A l’époque la monnaie était indexée sur l’or et sous contrôle de l’État.

Aujourd’hui la monnaie n’est indexée sur rien et la création monétaire est l’œuvre des banques elles-mêmes. Puisque l’auteur dit qu’il faut nous protéger des marchés financiers, le pouvoir exorbitant qu’ils possèdent sur la monnaie n’est-il pas une arme ultime entre leurs mains ?

La dernière partie du livre est réservé aux propositions de solutions qui répondent aux problèmes analysés par l’auteur. Elles constituent un ensemble cohérent adapté à cette complexité évoqué au début du livre.

Il met notamment en avant une économie adaptée à l’environnement, des accords sociaux avec la Chine qui avec 22% de chômage est également au bord de l’explosion. La semaine de 4 jours fait l’objet d’un traitement tout particulier avec des exemples d’usines françaises l’ayant mise en œuvre tout en restant compétitives.

Les propositions sont nombreuses et peuvent sembler irréalistes, mais Larrouturou prend pour exemple les politiques volontaires menées par Roosevelt et son New Deal au Etats-Unis dans les années 30. A l’époque, une volonté politique forte était parvenue à changer les choses très rapidement.

Il précise, bien entendu, qu’une telle volonté seule ne suffit pas, il doit s’appuyer sur un important soutien populaire, chacun doit investir le sujet. La conclusion s’intitule ainsi « tous acteurs, tous responsables ».

Joignant la pratique au discours, Pierre Larrouturou et d’autres figures intellectuelles et politiques française ont fondé le manifeste Roosevelt 2012 que chacun peut signer. Comprenant 15 propositions, la lecture de « Comment éviter le krach ultime » permet d’en comprendre les fondements et les subtilités et donne des repères que l’on ne trouvera pas dans la presse ni dans les médias.

Fiche technique

Format : broché
Pages : 255
Editeur : Nova Editions
Sortie : mai 2011
Prix : 15 €