Pourquoi la loi anti-Amazon est une bêtise

Ce matin, une loi a été votée à l’Assemblée Nationale à l’unanimité. A moins de vivre dans une grotte, vous n’avez pas pu la rater : il s’agit de la loi anti-Amazon. Kezako ?

Alors, commençons par le commencement : la loi Lang sur le prix unique du livre, loi très française, érigée en monument national. En France, c’est l’éditeur qui fixe le prix du livre. Ca oblige les petits libraires indépendants et les gros qui ont pleins de moyens à vendre au même prix. Comme ils vendent au même prix, on peut aller partout, dans n’importe quelle librairie, même au fin fond de la Corrèze, ce sera le même prix qu’à Paris. La preuve que ça marche, les librairies sur les Champs Elysées ne ferment pas, ni celles de Corrèze. Trêve de plaisanteries, cette loi fonctionne vraiment. En Angleterre, où le profit sur le livre est autorisé, le livre coûte très cher, et les librairies indépendantes sont mortes.

Sauf qu’avec l’arrivée d’Internet, il s’est ouvert des librairies en ligne. Qui comme les librairies physiques, n’ont pas le droit de vendre à n’importe quel prix. Mais voilà, les vendeurs de livres en ligne qui font beaucoup de profit (on parle clairement d’Amazon, là) offrent les frais de port. Notre gouvernement a jugé que c’était de la concurrence déloyale envers ceux qui ne pouvaient pas se le permettre et que ça violait donc la loi Lang.

Cette loi ne sauvera pas les petites librairies. Pour plusieurs raisons. Les grands lecteurs, ceux qui lisent vraiment beaucoup, sont déjà des lecteurs numériques. gain d’espace de rangement, de temps… Bref, même s’ils achètent encore des livres papier, les livres numériques ne s’achètent de toute façon pas en librairie. Les petits lecteurs s’en ficheront de payer des frais de port, puisque c’est une dépense occasionnelle.

Le vente de livre en ligne (on parle bien ici d’acheter un livre papier et de se le faire livrer) ne touche que 12% de la vente totale de livres en France (source : Le Figaro). Est-ce que les 12% de gens qui achètent régulièrement ou occasionnellement des livres en ligne vont aller dans des librairies ? Rien n’est moins sûr.

Les gens achètent surtout leurs livres dans les grandes enseignes (La Fnac, Chapitre.com…). Le but avoué de la loi anti-Amazon est de préserver les petits libraires. Raté.

Quid de la population rurale ? Celle pour qui aller en librairie coûte cher en essence et en temps ?

Même quand on habite en centre ville, on n’a pas les mêmes comportements en librairie physique que sur le net. Dans une librairie, on flâne, on achète au coup de coeur. Sur le net, on veut une référence bien précise. Certes, on peut commander un ouvrage à son ou sa libraire. Mais honnêtement, c’est chiant. Il faut bien une semaine, Souvent, ça n’arrive pas, ou le libraire ne travaille pas avec ce distributeur. La commande n’est pas mise de côté. Il faut revenir…

Et puis le marché de l’occasion. Voilà qui tue petits libraires et éditeurs aussi ! Il fait quoi le gouvernement là ?

La loi est en plus vraiment très facilement détournable. Je ne suis pas devin, mais ce qui va se faire va probablement être du genre payer des frais de port à 1ct d’euro, sur lesquels les petits libraires ne pourront pas s’aligner.

Quand bien même cette loi serait appliquée comme il faudrait le faire, dans les règles de l’art, avec des frais de port qui doubleraient le prix d’un livre de poche (Si, si, mesdames et messieurs du gouvernement ! Renseignez-vous ! ça serait trop cool pour le prix unique du livre !), est-ce que les gens se bougeraient plus pour aller en librairie physique ET indépendante ? Personnellement, je suis une feignasse…
Cela ne pénalisera que le consommateur/lecteur. Qui achètera moins, Qui lira moins (ou piratera !). Ca fera des foules plus dociles, plus faciles à gouverner.

Mais quand même, ce qui me sidère, vraiment, c’est que là-dessus, ils aient été TOUS D’ACCORD. Comme quoi ça peut arriver. On attend quoi là, pour résoudre le problème du chômage, trouver un toit aux SDF, et j’en passe et des meilleures ? Je suppose que régler son compte à Amazon était nettement plus urgent. Après, notez que je dis « je ». Je n’ai pas la science infuse, je ne suis qu’une petite éditorialiste de province qui espère avoir un peu d’esprit critique et logique. Mon avis vaut ce qu’il vaut.

Si vous aussi n’êtes pas contents et pensez que cette loi ne servira strictement à rien, vous pouvez signer la pétition, qui ne servira sans doute à rien, mais qui permet de dire qu’on n’est pas resté inactif devant le problème.