Rencontre avec David Foenkinos au Salon du Livre

Onirik était au Salon du Livre de Paris et a eu le privilège d’assister à une rencontre exceptionnelle avec David Foenkinos, à l’occasion de la sortie de son dernier roman La tête de l’emploi, chez J’ai Lu. Entouré d’Anna Pavlowitch, directrice des éditions J’ai Lu, et de son éditrice, l’auteur a échangé avec beaucoup d’humour et d’enthousiasme sur son dernier roman, sa manière de construire les personnages, sa carrière et ses projets.

Un écrivain apprécié et reconnu

David Foenkinos publie son premier roman en 2001 chez Gallimard et reçoit le prix François-Mauriac. Son troisième roman, Le Potentiel érotique de ma femme, reçoit le prix Roger-Nimier.

La Délicatesse, son huitième livre paru en 2007, est un véritable succès populaire, vendu à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires et place David Foenkinos sur le devant de la scène. Avec son frère Stéphane, ils en font d’ailleurs un film en 2011, avec Audrey Tautou et François Damiens dans les rôles titres.

2011 est également l’année de sortie du roman Les Souvenirs, dont l’adaptation cinématographique est en cours de tournage, avec Jean-Paul Rouve à la réalisation.

En effet, si ses derniers livres sont plus réalistes et se prêtent davantage à des adaptations, David Foenkinos ne souhaite pas les faire lui-même. En revanche, il aurait bien envie de travailler à nouveau avec son frère pour le cinéma, mais sur un projet n’ayant rien à voir avec l’adaptation de ses propres romans…

Sa manière de travailler : « L’essentiel est d’être sincère »

Malgré ce succès public qui aurait pu lui monter à la tête, David Foenkinos garde les pieds sur terre. Il décrit d’ailleurs ce succès comme « improbable » ! Alors que son roman précédent est vendu à 3 000 exemplaires, les chiffres de vente s’emballent avec La Délicatesse

Mais pas question de reprendre la même formule, car pour David Foenkinos, conserver la liberté dans l’écriture est fondamentale. Les livres reflètent ce qu’il ressent lorsqu’il les écrit ; c’est probablement la raison pour laquelle ses romans échappent aux stéréotypes et que chacun d’entre eux a son identité propre.

Dans ces romans variés, une constante cependant : un style particulièrement fluide, très agréable, salué unanimement par ses lecteurs. Toutefois, pour arriver à cette qualité, David Foenkinos nous confie écrire énormément et être très souvent dans le doute. Une fois un premier jet rédigé, il est dans une réécriture permanente, « un aller-retour constant entre fragilité et facilité ».

Ses influences

Une telle rencontre se prête également à la question traditionnelle mais si intéressante des influences et sources d’inspiration de l’auteur… Ainsi, ce sont les livres de Milan Kundera et Philippe Roth qui l’accompagnent au quotidien. Mais des monuments de la littérature tels que La Promesse de l’aube de Romain Gary (qui a influencé son roman Les Souvenirs, notamment dans le rapport entre le vrai et le faux), Belle du Seigneur d’Albert Cohen ou encore Dostoïevski ont eu un grand rôle dans la vie de David Foenkinos.

D’ailleurs, David Foenkinos explique qu’à ses yeux, Belle du Seigneur montre bien la compatibilité entre humour et littérature, une association qu’il a travaillé dans La tête de l’emploi. Albert Cohen est un auteur qu’il a découvert à l’âge de 16-17 ans et qui a fait partie de son cheminement pour sa folie, son côté « excité », pour reprendre ses propres termes.

De l’importance des prénoms

Mais revenons à La tête de l’emploi… Avant d’être un roman, Bernard était le titre d’une nouvelle parue il y a plusieurs années, que l’auteur avait envie de reprendre et de développer. David Foenkinos aime particulièrement jouer avec les prénoms et plus généralement avec les raccourcis, « souvent faux et de mauvaise foi, mais passionnants », déclare-t-il ! D’ailleurs, lorsqu’il se rend dans un pays, une des premières choses qu’il fait est d’interroger les habitants sur les clichés du pays en question, et de comprendre à quoi ils correspondent !

Pour le personnage de La Délicatesse par exemple, David Foenkinos a pris un grand temps de réflexion avant de trouver « le bon prénom », Nathalie. Il était important que cette femme, porteuse de son histoire, ait un prénom qui lui corresponde, pour cela, l’auteur allant jusqu’à regarder les étymologies pour trouver le nom idéal de ses héros.

Avec La tête de l’emploi, on ressent l’envie de David Foenkinos de s’amuser avec les personnages et les mots. Il revendique un début de roman s’appuyant sur des clichés, sur une forme de grossièreté narrative volontaire, y compris dans les caractères des personnages : on est quasiment dans la farce, dans la caricature. Avec beaucoup d’humour, David Foenkinos explique que Bernard, ce n’est pas un prénom gagnant ; mais c’est sympathique, un Bernard ! D’ailleurs, on perçoit une tendresse réelle pour tous ces petits ridicules. Mais plus on avance dans le texte, et plus la finesse prend sa place, permettant aux personnages de se réinventer et aux situations les plus inattendues d’arriver !

Bernard : entre humour et crise

La tête de l’emploi, livre plein d’humour, est également un roman sur la crise et la difficulté. C’est l’histoire d’un homme de 50 ans retournant vivre chez ses parents, qui traverse une succession de difficultés, aussi bien personnelles que professionnelles, conduisant à l’effondrement de son monde. De retour chez ses parents, dans une chambre figée depuis son départ bien des années plus tôt, il doit supporter sa mère lui rappeler de se brosser les dents et son père regarder Questions pour un Champion tous les soirs.

Mais Bernard, acculé pour la première fois de sa vie et écarté par une société brutale, va être obligé d’être créatif, de prendre des risques, de se modifier. Car Bernard est aussi un personnage possédant une grande capacité de rebond dont il n’avait pas idée… Dans son nouveau projet très surprenant, il croise un Michel, clin d’œil à un Michel Houellebecq jeune, écrivant en 1991 son premier livre sur Lovecraft. C’est d’ailleurs un des plaisirs de David Foenkinos, que le livre puisse être lu à différents niveaux, selon ce que chaque lecteur y voit. Il ne s’agit pas simplement de raconter une histoire, mais plutôt de mettre en scène des personnages.

Son prochain livre : « l’histoire d’un destin », une obsession depuis 8 ans

David Foenkinos a profité de cette rencontre pour nous annoncer la parution de son prochain roman en septembre, chez Gallimard, intitulé Charlotte (encore un prénom !). Ce projet, qui lui tient particulièrement à cœur, raconte « l’histoire d’un destin », selon ses propres termes, « la vie violente et abîmée d’une femme supérieure ».

Charlotte Salomon est une artiste allemande des années 1930, qui fascine David Foenkinos depuis longtemps. L’écriture de ce livre constitue une obsession depuis 8 ans, nous a-t-il confié avec un enthousiasme communicatif. Son livre racontera sa rencontre avec l’œuvre de cette artiste méconnue, pour laquelle il espère susciter l’intérêt. Pour cela, il s’est plongé dans des recherches approfondies, se déplaçant notamment en Allemagne et dans le Sud de la France, où elle a travaillé.

Une longue séance de dédicace réussie

Onirik a découvert un écrivain brillant, plein d’humour et très accessible, ce qui s’est confirmé par les 3 heures de dédicace qui ont suivi sur le stand de Flammarion, avec une affluence qui ne s’est jamais démentie. Il faut dire que David Foenkinos fait partie de ces auteurs appréciés qui prennent réellement le temps d’échanger avec leurs lecteurs. Un bonheur !

Crédit photo : Valérie Revelut pour Onirik.net

Photos du Salon du Livre sur Facebook