Rencontre avec Michèle Fitoussi

A l’occasion de la sortie du onzième livre de Michèle Fitoussi, Fayard et Versilio ont organisé une rencontre de l’auteur avec ses lecteurs. Comme pour certaines de ses œuvres précédentes, Helena Rubinstein (2010) ou encore La Prisonnière (avec Malika Oufkir, 1999), Michèle Fitoussi nous raconte avec talent l’histoire d’un destin. Ici, c’est celui de l’énergique et enthousiaste Loumia Hiridjee, créatrice avec sa sœur de la célèbre marque de lingerie Princesse tam-tam, qui a trouvé dans la mort dans les attentats de Bombay en novembre 2008.

Ce n’est pas un hasard si Michèle Fitoussi a choisi ce sujet. En effet, seulement quelques mois auparavant, elle rencontre Loumia, passe un peu de temps avec elle, commence à se lier d’amitié. Mais elle n’imaginait pas jusqu’où cela irait.

« C’est un livre que j’aurais aimé ne pas avoir à écrire« , déclare Michèle Fitoussi, « mais le destin nous joue parfois des tours« . En effet, invitée par Loumia à Bombay, l’auteur décide d’accepter et part en novembre. Elle est à Pondichéry le 24, et s’apprête à rejoindre Bombay. Lors de sa dernière discussion au téléphone, aussi enthousiastes à se retrouver l’une que l’autre, Loumia lui dit : « Tu verras, l’Inde est un pays imprévisible. »

Et l’imprévisible se déroule. Loumia, qui devait être en déplacement ce jour-là, décide finalement de rester chez elle et d’aller dîner au restaurant avec son mari. Elle sera l’une des 165 victimes du terrorisme du 26 novembre 2008 avec son époux.

Écrire son histoire s’est imposé peu à peu. A chaud, à son retour, Michèle Fitoussi avait signé un papier pour le magazine Elle. Mais elle a eu besoin de 2 à 3 ans avant de pouvoir verbaliser, formaliser ce projet d’écriture. Et avant tout, elle a souhaité demander son accord à Shama, la sœur de Loumia.

De plus, Michèle Fitoussi souhaite écrire un livre que les enfants orphelins de Loumia et Mourad puissent lire. Toutefois, l’idée n’était pas de faire une biographie en allant dévoiler des secrets de famille, ni une hagiographie. C’est « la vie derrière la noirceur[[sic]] », le vivant qu’elle voulait saisir dans son récit. Comme pour dessiner un portrait, elle y est allée par petites touches, voyageant à Bombay, rencontrant les amis de Loumia, sa famille, les membres de Princesse tam-tam, tout en respectant le silence de ceux qui le choisissaient.

C’est aussi parce qu’elle ne connaissait pas vraiment Loumia, que Michèle Fitoussi a pu prendre le recul nécessaire à l’écriture de cet ouvrage. Grâce également à son métier de journaliste et d’écrivain, elle a réussi à garder la distance nécessaire pour ne pas être submergée par cette histoire, tout en étant dans l’empathie. « J’étais dedans et dehors« , dit-elle. Au long de son parcours d’écriture, elle a découvert une amie.

Elle a également été frappée par les ressemblances entre Loumia et elle : « c’est moi que je retrouvais » dit-elle en parlant de la photo des fillettes brunes qui lui évoque sa propre enfance. « Ça aurait pu être moi« , ajoute-t-elle, et c’est bien ce qui confine à l’universel et rend ce récit si bouleversant.

Une des thématiques qui ressort également de ce récit est la grande question de l’identité : Loumia semble chercher (inconsciemment ?) ses racines, sa place. Française mais d’origine indienne, éduquée dans une école catholique, mariée à un homme très croyant, issue d’une famille de commerçants, elle semble n’être à sa place nulle part. Mais « elle prenait tout », et c’est ce qui faisait sa richesse.

Deux ans et demi de travail ont été nécessaires à l’aboutissement de ce récit. En plus des rencontres et des voyages, Michèle Fitoussi s’est énormément documentée, de la fabrication d’un boutre à l’histoire de l’Inde. Ces recherches l’ont passionnée et ont nourri son texte.

« Je voulais écrire un hymne à la vie. » Princesse tam.tam est une marque symbole de la féminité, et Loumia représentait justement la liberté, la féminité, ce qui est nié par les terroristes islamistes. Michèle Fitoussi ne voulait pas parler d’une victime, mais d’un destin, de quelqu’un qui avait vécu. Ce qui prime au final, c’est « l’amour de la vie contre l’amour de la mort« [[sic]].

Mais comment classer ce récit, à mi-chemin entre la biographie, le témoignage géo-politique et le roman ? Dans le monde littéraire anglo-saxon, cela appartient à un genre bien installé intitulé narrative non-fiction.

Après un projet aussi prenant, Michèle Fitoussi nous a confié ne pas avoir encore de nouveau livre en tête. En revanche, elle est très impliquée dans Le Paris des Femmes, un festival de théâtre dans lequel des auteures écrivent de courtes pièces, qui seront jouées au Théâtre des Mathurins. Un beau projet !

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Crédit photo : VR pour Onirik.net

Remerciements : Stéphanie Charrier, merci pour ces rencontres, fantastiques à chaque fois !