Rencontre avec Stéphane Bein, l’auteur de la série Anna Sponge.

Café « La Tart’in » à Limoges, jeudi 9 février 2006.

Onirik : Comment vient-on à la bande dessinée ?
Stéphane Bein : A 6 ans, je venais de voir le film avec Errol Flynn, j’ai commencé par dessiner l’histoire de Robin des Bois. J’ai dessiné mon premier polar, mon genre préféré, vers les 11 12ans. Mes parents l’ont d’ailleurs encore en souvenir. Plus âgé, j’ai suivi une formation dans la publicité. Le travail m’ayant amené à Limoges et la ville m’ayant plu, j’y suis resté. En 1999 j’ai fait la connaissance de Michel Janvier [[http://www.bedetheque.com/auteur-5111-BD-Janvier-Michel.html, qui à dessiné des trip des Musicos pour le journal local l’Echo.]] qui m’a mis le pied à l’étrier tout en me laissant découvrir moi même les pièges du métier. J’ai dessiné des strips animaliers, «Chez René», mettant un corbeau en scène pour l’Echo de 1999 à 2003.

O. : Et pour la genèse d’Anna Sponge ?

S. B. : Quand l’idée m’est venue, il n’y avait peu, pour ne pas dire aucune, femme comme personnage principal. Je ne suis pas fan d’héroïc fantasy, mon genre préféré est le polar. J’avais donc envie d’en créer un avec une héroïne. Mais une jeune femme qui ne serait pas femme objet. Une fille bien dans sa peau de fille. Mais à laquelle les hommes pourraient s’identifier sans problème.

O. : Personnellement, le noir et blanc n’est pas pour me déplaire, c’est exprès ?
S. B. : Oui, je le trouve bien adapté et plus percutant pour un polar. Je suis coloriste pour la publicité, notamment pour Michel Janvier, j’ai aussi fait 2 tomes de la Stratégie des Sentinelles de Gilles Laplagne, mais Anna n’est en couleurs que sur les premières et quatrième de couverture.

O. : A part les vieux quadras comme moi, ton public est comment ?
S.B. : En fait il est curieusement composé. Avec les mangas, les jeunes sont habitués au noir et blanc, les quinquas qui ont connu les premières BD le sont aussi, c’est curieusement les quadras de la « génération Astérix » habitués à la couleur qui manquent le plus. Il y a même pas mal de jeunes filles qui s’identifient parfaitement à Anna Sponge, elles sont volontaires, savent ce qu’elles veulent tout en étant conscientes de leur féminité sans se laisser marcher sur les pieds.

O. : Limoges se retrouve partout dans les albums, Anna est une véritable ambassadrice !
S. B. : C’est une jolie ville non ? La photo m’aide dans les repérages, j’arrive même à découvrir encore des ruelles dans la vieille ville, avec les bâtiments à colombages, c’est magnifique. Pour les catacombes, il y a de l’improvisation, mais certaines parties sont dessinées d’après la réalité. Notamment l’endroit de l’inscription « réservé à la Vermacht» ou l’endroit où se trouve le squelette de l’égoutier [[C’est dans l’histoire, aucun égoutier n’a encore réussi à se perdre dans les égoûts de Limoges !]].

O. : En parlant de choses vraies, le maire par contre, n’est pas lui même.
S. B. : (rire) Je crois qu’il a suffisamment d’humour pour supporter qu’on le dessine en chef d’une secte, mais je voulais une situation qui puisse tenir hors du temps. J’ai préféré représenter un maire avec des grosses moustaches début de 20ème siècle. D’ailleurs les références temporelles sont absentes, cela permet à l’histoire de durer et d’être crédible plus longtemps.

O. : Dans une séquence de la BD, on voit le groupe traverser le cimetière de Louyat et sur une tombe est marqué « Ci-gît Splogofpft », il n’est rien arrivé de fâcheux à son auteur au moins ?
S. B. : (rire) Non, non, c’est juste un clin d’oeil, François va très bien !

O. : Et maintenant, la question qui tue : une BD, ça se conçoit comment (sans donner les recettes secrètes) ?
S. B. : Je commence par le scénario, partant d’une idée, je conçois les textes en les mettant en cases et j’écris case par case, sur une trentaine de pages, puis je m’arrête et je repars de la fin, jusqu’à faire le joint en me laissant quelques pages de jeu. Puis je réécris le scénario en l’écrivant comme on le ferait pour une pièce de théâtre. Ensuite je griffonne un story-board pour la mise en place du dessin, très schématique. Quand tout est bien huilé, je passe au crayonné puis l’encrage. A 10 heures par jour, il me faut à peu près quatre mois pour un album d’Anna Sponge, sans compter l’écriture du scénario. Je préfère être plus rapide et instinctif dans la création, je trouve que ça donne plus de percutant à l’histoire. Ensuite je le donne à lire à deux personnes très proches, mon épouse et un ami journaliste. Si l’un corrige les fautes et serait trop permissif, ma femme quant-à elle ne laisse rien passer [[c’est comme à la maison quoi !]]! Il faut aussi se donner des limites pour être digeste.

O. : Il y a beaucoup de différence entre le dessin unique et la BD ?
S. B. : Oui, un tableau ou un dessin unique, quelque soit la technique doit pouvoir tout dire en une image. Alors que pour la BD il faut faire s’enchaîner les séquences pour que ça puisse tenir debout. On pense page par page, chaque case en amenant une autre. Et si l’histoire doit paraître dans un quotidien, c’est encore pire, chaque page, quand ce n’est pas des demis-pages, doit se suffire à elle même en apportant quelque chose de l’histoire tout en donnant envie de voir la suite. Pour Anna Sponge il y a une page du dernier album qui serait difficilement passée en quotidien et que j’ai été obligé de redessiner. Il y a les mêmes différences entre le dessin et la BD qu’entre la photo et le cinéma.

O. : Des projets ?
S. B. : Et bien en avril il y aura le 5ème et dernier album du premier cycle d’Anna Sponge[[chic, la lumière sera !]]. Un nouveau cycle est déjà prévu, mais chut !

O. : C’est difficile d’éditer ses albums soi-même ?
S. B. : Oui et non, avec un sponsor sur les premiers albums ça c’est bien passé, quand la machine est lancée et que le roulement se fait d’un album sur l’autre, ça peut aller. Actuellement ce sont Heidi.com et Nelly Dupic de Distreet au Dorat qui m’aident pour la parution. Anna Sponge tire à 1000 exemplaires. La diffusion se fait essentiellement chez les spécialistes BD, mais on s’en sort mieux qu’en tirant plus chez un éditeur qui ne donnera que 10% de droits d’auteurs et même moins s’il faut partager avec un scénariste. Ou alors tirer à 80000 exemplaires comme la série des Gendarmes, par exemple.

O. : On ne parle pas de la présence à Angoulême ?
S. B. : Angoulême pour un indépendant, c’est dans les 120€ pour une table de deux mètres pendant quatre jours. Il suffit de vendre les albums en conséquence pour rentabiliser. Le problème serait plutôt de pouvoir s’exposer, ça tourne au copinage et les places sont rares. Angoulême est plus devenue une foire qu’un festival maintenant.

O. : Une petite dernière qui me trotte depuis le début de la lecture des aventures d’Anna : pourquoi est-elle toujours en rose bonbon sur les couvertures ?
S. B. : C’est tout simplement ma couleur préférée.

Stéphane Bein dédicacera ses albums le mercredi 8 mars 2006 de 15h à 18h à la Fnac de Limoges et sera également présent à la manifestation « Lire à Limoges » les 7, 8 et 9 avril 2006 … à Limoges, bien sûr !

Merci à Stéphane pour son amabilité.
Merci à Stéphanie pour sa patience et d’avoir retardé la fermeture.