Rencontre avec Wilfrid Lupano et Paul Cauuet

Dargaud a invité quelques journalistes à rencontrer le scénariste Wilfrid Lupano et le dessinateur Paul Cauuet pour la sortie des Vieux Fourneaux, une BD savoureuse, intelligente et pleine d’humour !

Autour de chocolatines et croissants (les auteurs sont toulousains !), nous avons pu leur poser toutes les questions possibles. Bien sûr, beaucoup ont vu des rappels à Audiard, Marielle, Rochefort, Blier, Lanoux. C’est l’effet génération ‘Aïeuls’ et qui fleure bon une certaine gouaille.

Wilfrid Lupano confie une admiration pour Audiard. Il vient d’un milieu populaire dont le vocabulaire fleuri se rapproche de ce que le scénariste-réalisateur a élevé au rang d’art !

Les personnages sont nés en 1935. C’est une génération qui a connu une succession de bouleversements. Et puis les anciens sont un territoire peu exploré, où il y a peu de concurrence. Tous les deux sont fans de Gröland sur Canal+ où on peut voir de nombreux comédiens et figurants qui sont des retraités.

Côté dessin, Abraham Simpson est l’idole de Cauuet. Il a voulu créer des silhouettes uniques qu’on n’avait jamais vues auparavant. Si au départ cela lui semblait abstrait, il s’est aperçu qu’au final les trois compères avait des traits familiaux. Son subconscient a travaillé pour lui.

Ils nous ont raconté que lors d’un Salon du livre à Genève, ils étaient tombés sur la parfaite copie de leur version de Pierrot. Ce fut un excellent moment !

Pour le scénario, Wilfrid Lupano a précisé que pour lui un bon scénario n’avait pas besoin d’avoir une apothéose, que le non-événement était en lui-même une histoire. Il aime particulièrement le tragicomique des événements des Vieux Fourneaux.

Il est question de lutte syndicale, notamment Antoine qui est très engagé. Pour cela, Lupano a balayé toute l’histoire de France sociale depuis la Seconde Guerre mondiale. La majorité des personnages ont vécu d’un laboratoire médical qui bien sûr renvoie à tous les scandales que nous avons connu avec le Mediator, par exemple.

Pierrot l’anarcho octogénaire appartient à un groupe d’activiste qui sont plus des artistes que des révolutionnaires. Ils rappellent la méthode belge, que Wilfrid Lupano a expliqué avoir reprise à Robert Dehoux qui avait fait parler de lui en son temps avec l’entarteur Noël Godin.

Le deuxième tome est déjà terminé et sortira en octobre 2014. Les deux amis travaillent ensemble sur le troisième opus. En substance, la trame générale naviguera autour des trois vieux et de Sophie. Mais chaque tome aura une intrigue secondaire qui commencera et se termina après la dernière page.

Quant à la signification de ‘Vieux Fourneaux’, Wilfrid Lupano l’a dénichée dans une chanson de Georges Brassens, où les personnes âgées sont comparées à des vieux fourneaux.

Puisque l’album parlait également de lutte syndicale, le scénariste a fait un parallèle avec les Hauts fourneaux de Florange/Armital. Là bas, on dit que lorsqu’on éteint ces hauts fourneaux, ils ne peuvent ensuite plus être rallumés.

Côté dessin, comme Cauuet a fixé le physique des retraités en premier, il a fallu les rajeunir pour les flash-backs. Il nous a confirmé que c’était un travail très difficile mais que c’était surtout passionnant ! Il a rencontré une problématique qu’il n’avait pas eux lorsqu’il dessinait de la SF : que les situations et décors soient conformes à la réalité.

Il nous a appris avoir beaucoup visionné de vidéos sur le site de l’Ina pour reproduire par exemple le mobilier urbain ou lors de retour arrière durant des grèves. Son trait est tout à la fois précis et cohérent mais possède une puissance émotionnelle qu’il a travaillé avec ses propres images et souvenirs.

Ils n’ont eu étonnamment aucun souci à vendre le projet à Dargaud, mais bien plus pour trouver une couverture qui soit parlante pour tous. Lupano ne propose jamais de pitch. Il travaille l’ensemble du scénario et des dialogues, et montre un projet déjà paginé. Pour tout dire il a été abonné aux refus, mais maintenant qu’il a une certaine réputation, il peut ressortir certains travaux pour les reproposer. Mais lorsque l’éditeur est enthousiaste, ça le surprend énormément !

A peine sorti, Dargaud a fait rééditer l’album à 10 000 exemplaires, l’accueil en librairie étant excellent. Le nôtre l’est tout autant, et nous ne pouvons que vous pousser à découvrir ce petit bijou !

Crédit photo : Valérie Revelut pour Onirik