Rencontre avec Yoshiki pour We are X

Suite à une projection en avant-première exceptionnelle du film documentaire sur le groupe X Japan : We are X, un groupe de petits chanceux a pu rencontrer le célèbre Yoshiki, le jeudi 6 juillet 2017. Le film documentaire retrace la vie du groupe, les hauts et les bas, comme la douleur des épreuves. Voici la retranscription de la rencontre à laquelle nous avons assisté.

Yoshiki : Je viens de subir une opération de la nuque, et j’ai commencé un traitement… Avez-vous des questions ?

Question : C’est un très bon film, très puissant, mais je voulais savoir quel a été le cheminement de sa réalisation ?

Yoshiki : En fait, notre histoire est déjà tellement dramatique en elle-même que toute la matière était présente. Le film a été terminé l’an dernier, mais depuis, des membres ont été malades, fatigués. Ça a reporté certaines choses. Le concert en début d’année a été reporté, car je devais à tout prix me faire opérer. Je m’en excuse, car je dois aller un peu plus doucement. Je vais bien, mais je suis sous médicaments.

J’ai même failli être paralysé par ces douleurs. J’avais vraiment mal partout, j’ai pu faire un concert, mais lors d’un autre, je pensais que le concert allait me tuer. Mais tout cela s’est vu dans le film. Après, mon opération a eu lieu il y a 7 semaines, et quand je vais rentrer au Japon, j’ai une tournée, mais je ne pourrais bien sûr pas jouer de batterie. Je vais me contenter de jouer du piano, mais je pense que dans à peu près 6 mois, je pourrai refaire de la batterie.

Il y a quelques années, beaucoup de gens m’ont dit qu’il fallait faire un film, mais pour moi c’était rouvrir un chapitre, une porte vers des souvenirs extrêmement douloureuse. Puis, à nouveau, des personnes sont venues me dire que notre histoire pouvait aider, inspirer des gens, c’est ainsi qu’on m’a convaincu et qu’on a débuté le projet.

C’est mon agent américain qui m’a présenté au réalisateur et au producteur. Je n’avais aucune idée de ce à quoi ça allait ressembler. En fait, le réalisateur ne nous connaissait pas du tout, il ne savait pas à quoi s’attendre non plus et c’est vraiment pendant le tournage qu’il a découvert l’histoire du groupe. C’était déchirant.

En fait, au début dans les interviews, c’était étrange, je ne disais pas grand-chose, j’avais beaucoup de mal à mettre des mots sur les idées. Cela m’a pris presque un an pour ouvrir mon cœur et à raconter mon histoire, car ce sont des histoires douloureuses. J’en porte encore les séquelles.

Question : La rose est un symbole très important dans l’histoire de X Japan, dans les paroles, dans les images. Je voulais donc savoir, pourquoi les roses ?

Yoshiki : Alors effectivement, j’utilise beaucoup les roses, je les aime beaucoup. C’est une sorte de métaphore pour parler de l’amour et de la vie. La France est le premier pays que j’ai visité en partant à l’étranger. Et c’est ici que j’ai voulu tourner une vidéo de Rose of pain.

Question : Comment composez-vous vos chansons ? De quelle manière ?

Réponse : J’écris tous les jours de la musique, pas forcément avec un instrument. Ça peut être dans l’avion, pendant une réunion, c’est à n’importe quel moment. C’est notamment par rapport à ma vie, mon vécu, à mes douleurs. C’est cette tristesse que j’exprime à travers mes chansons.

Question : Est-ce que vous avez formé une famille avec le groupe pour dépasser toutes ces douleurs ?

Yoshiki : Je suis hanté tous les jours par la mort de Taiji et de Hide. Je me reproche encore tous les jours ce que j’ai fait. Et oui, c’était une famille autour de la musique. Elle perdure encore, elle existe et il faut la diffuser.

Question : Est-ce que la douleur qu’il y a en vous a été utilisée, si vous vous en êtes débarrassé ?

Yoshiki : La douleur est toujours très forte même si elle ne se voit pas toujours. Quand elle est physique, elle se voit plus et peut passer avec le temps. J’ai eu des nerfs endommagés à cause des problèmes de ma nuque, ça va prendre du temps, mais ça va passer. Le plus dur est la douleur intérieure, c’est d’être en vie et de supporter celle-ci, celle que je devrais tout le temps supporter.

Question : J’ai une question par rapport à vos textes, est-ce que pour vous ressasser le passé est comme une thérapie ? Est-ce que ça a été bénéfique d’en parler, de poser des mots sur ces douleurs ?

Yoshiki : Peut-être. Certainement même, ça m’a beaucoup aidé. C’est grâce à vous, grâce au public, grâce à mes fans, c’est aussi une thérapie de bien-être. Ça me motive à poursuivre mon quotidien.

Sinon concernant la suite, il y aura une chanson longue qui fait 10 minutes environ dans le prochain album. Elle pourra être considérée comme la deuxième partie de Kiss the sky. J’avais besoin de ce nouveau volet, surtout au niveau des paroles.

Question : Vous avez fait des concerts dans les plus grandes salles, quelle est votre prochaine étape ?

Yoshiki : Alors je veux d’abord terminer le nouvel album, car il est attendu depuis longtemps et qu’on ne veut plus me croire. Et j’ai encore l’impression de ne pas avoir accompli grand-chose, mon rêve est grand, c’est la scène internationale et c’est ce que je veux faire.

Question : Comment faites-vous face au succès et vos problèmes de santé ?

Yoshiki : C’est toujours la question. Je vous remercie vivement de me recevoir. Il y a un an et demi, mes médecins se sont rendus compte que j’avais un espace entre les vertèbres. Cette fois, l’opération était pour introduire un disque artificiel entre elles. J’ai eu très peur, c’était une grosse opération avec beaucoup de risques. Je devais écrire mon testament à chaque fois avant d’entrer dans le bloc opératoire. Ça m’a fait beaucoup réfléchir à ma vie.

Je me disais, si X Japan n’avait pas trouver ses couleurs, je n’aurais peut-être pas fait ces opérations. Mais là, elles sont nécessaires, pour avoir le plaisir de vous rencontrer, ça en vaut vraiment la peine. Là, je vais bien, je peux marcher, parler et respirer. J’ai encore du temps de convalescence avant d’être vraiment guéri. Il y a quand même un petit corps étranger dans mon corps. Je commence à m’y habituer, ça commence à faire partie de moi, mais je reste positif.

Question : Pourquoi ne prenez-vous pas de pause plus longue ? Car je peux vous assurer qu’aucune de vos fans ne vous en voudraient de prendre ce temps.

Yoshiki : J’ai pour l’instant six mois de convalescence, mais le reste de mes douleurs peut prendre plusieurs années, voire ne jamais guérir. Je me suis donc dit que je préfère continuer malgré ça. Mon système nerveux qui me permet de bouger, jouer du piano, marche encore, mais c’est celui sur la douleur qui est vraiment endommagé. C’est donc un peu plus complexe.

Question : J’ai vu que vous parliez beaucoup de la mort, de la perte, mais est-ce que par hasard, la musique n’est pas pour vous la lumière qui fait que vos inquiétudes s’en vont ? Est-ce cela pour vous ?

Yoshiki : Pour pouvoir offrir au monde, au public, de telles choses, ce n’est pas facile. Il y a des gens qui écrivent facilement, moi, j’écris tous les jours des chansons brutes. Puis je vais les travailler, les épurer, puis finalement ça va devenir une bonne chanson. Les très belles chansons sont très difficiles à écrire, à réussir, à leur donner vie. Mais c’est vrai que le fait d’écrire des chansons m’aide énormément. Et la relation entre mon écriture et moi, c’est quelque chose qui me nourrit.

Question : Comment est venue l’idée d’un comics avec Stan Lee ?

Yoshiki : Ça a l’air d’être tout simple, on s’est rencontré lors d’un dîner, il m’a demandé ce que je faisais, j’ai répondu « Je crée de la musique. Et toi ? » , il m’a alors dit « Je crée des super-héros ». Et c’est comme ça que ça a commencé. C’est la même chose pour la créatrice de Hello Kitty. On s’est rencontré et chacun a demandé à l’autre ce qu’il faisait et c’est ainsi qu’elle a trouvé Yoshikitty. Ce n’est que le hasard de la vie.

Question : Mozart avait dit que le piano était la chose la plus importante dans la musique, et comme vous jouez de la batterie et du piano, dans quelle mesure, la batterie a influencé votre jeu ?

Yoshiki : J’ai commencé le piano à l’âge de 4 ans. J’ai eu des cours de musique classique où oui, le piano est très important. Quand j’ai commencé la batterie ça a été un peu plus compliqué, je joue comme quand je chante. Mais je cherche à créer une harmonie dans les chansons que je propose.

Question : Pour rester dans le thème de la composition, on peut voir dans certains morceaux de X Japan des références à Beethoven, Y a-t-il un lien autre que de l’admiration pour ce compositeur ou de la reconnaissance ?

Yoshiki : Après ma première opération, j’ai eu du mal, c’était des opérations risquées et douloureuses. Mais je pense que Beethoven a eu une vie beaucoup plus dure que la mienne. Et en ce moment, je suis en train d’écrire une symphonie, et c’est mon lien avec lui.

Question : Est-ce qu’il y a un disque, un groupe de rock qui vous a influencé ? Et qui vous a donné envie de faire de la musique ?

Yoshiki : Avant la mort de mon père, je connaissais la musique classique, le reste n’était que du bruit pour lui. C’est après que j’ai acheté mon premier album de Kiss, puis Led Zepplin, etc. Ce sont toutes mes influences.

Question : A votre avis, est-ce que la douleur est nécessaire pour créer de l’art ?

Yoshiki : La question est très délicate. Il y a aussi la colère qui m’aide à la composition. Mais je pense que la question se pose dans l’autre sens. L’art est un moyen d’exprimer cette douleur. Ce n’est pas que dans la douleur qu’on fait de l’art. Pour moi, l’art est vraiment sacré. On peut aussi créer quand on est tout à fait heureux. De toute façon, l’art survivra, c’est ce qu’il restera après moi. C’est une relation à sens unique, on lui donne et l’art reçoit.

Question : Êtes-vous alors plus musique classique ou rock ?

Yoshiki : J’ai besoin des deux, il y a le Yoshiki calme et l’agressif. Les deux sont nécessaires pour moi.

Sortie : 6 décembre 2017
Avec Yoshiki, Toshi, Gene Simmons, Wes Borland…
Genre : documentaire