Rencontre de l’équipe d’Alita

A l’occasion de la projection en avant-première du film Alita : Battle Angel le 28 janvier 2019, nous avons pu assister à la session de questions-réponses avec Jon Landau (producteur), Robert Rodriguez (réalisateur), Rosa Salazar (actrice) et Christophe Waltz (acteur). Cette dernière s’est déroulée à la suite du film (il y a donc nécessairement des révélations concernant certaines scènes du film).

Attention, nous n’avons pas pu retranscrire intégralement tout l’échange, néanmoins voici ce que nous avons pu retenir.

Présentatrice : Voici le producteur du film : Jon Landau. Pouvez-vous nous dire ce qui vous a poussé à faire ce projet et comment il s’est mis en route ?

Jon Landau (Producteur) : Nous avons vu dans Alita un personnage qui pourrait être partout dans le monde. Elle va découvrir à l’intérieur d’elle-même l’héroïne et on s’était dit que c’était un très beau message pour les nouvelles générations

Ça s’est vraiment fait à un moment fortuit lors d’un déjeuner qu’on faisait ensemble. Robert était là et James lui racontait les 4 suites pour Avatar. Et comme c’était long à faire, Robert lui a demandé « Si tu le fais, que se passe-t-il alors pour un film comme Alita ? ». C’était au bout de trois heures de déjeuner. Il s’est encore passé quinze minutes avant que James ne lui montre un petit film qu’on a produit, une version courte du film. Et là Robert est tombé amoureux. James lui a alors donné le scénario, très long de 180 pages. Il lui a donné ses notes et lui a dit que s’il arrivait à le réduire, il pourra réaliser le film. Robert est revenu trois mois plus tard avec une nouvelle version du scénario, il n’avait rien perdu du travail sur les personnages. Tout le corps y était.

Présentatrice : Merci beaucoup, maintenant, bienvenu à Robert Rodriguez ! Nous avons également Christophe Waltz et bien sûr celle qui incarne Alita : Rosa Salazar. Merci à tous d’être aujourd’hui à Paris.

Jon, merci pour la genèse du film et à vous Robert de vous retrouver au cœur de ce projet et des défis que vous avez dû affronter. D’abord votre défi sur le plan artistique et technique, et même l’idée de venir sur ce projet qui était celui de James Cameron, qu’est-ce qui était le plus dur pour vous ?

Robert Rodriguez (Réalisateur) : Tout ce que vous dites, je l’ai pensé. C’était effrayant, c’était aussi excitant et c’était un vrai défi. Mais quand on fait face à un défi qu’on pense être au-dessus de nos capacités, c’est qu’on est sur le bon chemin. Cela va nous mener ailleurs. J’étais très impatient de faire quelque chose au niveau de ce que James Cameron et Jon voulaient. De faire un film qui attire le monde entier, car il y a des messages centraux et un véritable personnage, ainsi qu’un bon mélange de spectacle et de coeur. Et ce sont des choses qui sont au cœur de leurs films, donc avoir James Cameron comme mentor et Jon comme producteur me permettaient d’être proche de la possibilité d’accomplir quelque chose et de le faire seul.

Présentatrice : Vous appréciez l’oeuvre de Kishiro[[Yukito Kishiro est le manga de Gunnm, le manga dont Alita est l’adaptation]], je me demandais donc ce que vous cherchiez chez vos acteurs, Rosa et Christophe. Qu’est-ce qui vous a inspiré dans ce projet et comment vous êtes-vous appropriés ces personnages icôniques ?

Rosa Salazar (Actrice) : Eh bien, j’ai adoré le scénario, il était très beau. J’ai beaucoup aimé l’histoire d’Alita, j’aimais le fait qu’au début c’est un personnage qui se sent insignifiant et puis après, à travers son voyage intérieur, elle découvre que la personne insignifiante qu’elle croyait être est en réalité. C’est ce qui m’a inspirée.

Présentatrice : Et vous Christophe ? Comment vous êtes-vous approprié le personnage et qu’est-ce qui vous inspire chez lui ?

Christophe Waltz (Acteur) : Ce qui est inspirant dans tout ce projet et dans ce film, c’est que c’est une grande histoire avec tellement d’aspects et de détails. Et ils sonnent surtout tous justes, ils ont une existence au-delà de l’histoire. Ils donnent de l’énergie à celle-ci. Et pourquoi donc ma petite personne serait exclue de cette grande histoire ?

Jon Landau (Producteur) : Le personnage d’Alita a besoin de motivations pour améliorer sa performance. Cela ancre le film dans la réalité. On a tous été des parents, d’un côté ou d’un autre, enfant ou parent. Lui, il se donne une deuxième chance en tant que père.

Question du public : C’est concernant l’embargo jusqu’au 1er février, est-ce une volonté de la production et du réalisateur ? Et qu’est-ce que vous en pensez ? Est-ce que pour la France ou est-ce un embargo international ?

Jon Landau (Producteur) : Je pense que tous les films ont une date d’embargo et le notre sur le plan international est fixé au 1er février. Nous avons notre première internationale à Londres le 31 janvier, cela explique la date. Ce n’est pas quelque chose d’inhabituel et c’est même standard comme demande des studios afin que tout arrive en même temps, par rapport aux avis et aux critiques. Cela permet d’éviter un éparpillement qui serait négatif.

Question du public : A propos du méchant qu’on voit à la fin de manière assez rapide, il ressemble à un réalisateur qui a notamment réalisé Titanic et Avatar (James Cameron), je voulais savoir si c’était fait exprès et s’il y avait un message derrière ?

Robert Rodriguez (Réalisateur) : On pourrait dire « Qui sait ? » mais sinon pas du tout. C’est quelqu’un d’autres, mais c’est vrai qu’on peut dire qu’il ressemble à James Cameron. Mais après, si vous êtes familier du manga, dans tous les dessins, le personnage de Nova a les cheveux qui ressemblent à ceux de James. Aujourd’hui, il a les cheveux très courts, mais je peux comprendre que les gens pensent ça.

Question du public : C’est une question pour Rosa, est-ce que c’était vous lors des scènes de combats ? Et avez-vous suivi un entraînement spécial ?

Rosa Salazar (Actrice) : J’ai fait cinq mois d’entraînement intensif de différents arts-martiaux, c’était crevant, une vraie agonie. Il y avait un mélange de muai-thai, de kick-boxing, plein de techniques différentes pour augmenter mon endurance. Il fallait que je puisse tenir le coup avec plusieurs combats tous les jours. Et puis, il y a des jours où on fait des progrès, on se sent puissant et cool et le lendemain, on est tout merdique. J’ai vraiment repoussé mes propres limites.

Jon Landau (Producteur) : Je n’ai jamais demandé à toi, Christophe, de jouer des scènes face à quelqu’un qui n’était pas habillé comme Rosa. Est-ce que ça a changé quelque chose pour toi ?

Christophe Waltz (Acteur) : Absolument rien, c’est toujours Rosa que j’ai face à moi, et c’est comme ça que je joue.

Question du public : Vous avez donc adapté un manga, cependant, on ne retrouve aucune influence japonaise dans le film, ni l’influence cyberpunk qu’on pouvait avoir, mais plutôt un style latino, la ville ressemble par exemple à Cuba. Je voulais donc savoir ce qui vous a poussé à faire ce choix artistique.

Robert Rodriguez (Réalisateur) : En fait, Kishiro n’a pas écrit une œuvre centrée en Asie. C’est une société très mélangée, à l’origine, je voulais que se soit une sorte de Kansas City. Et d’un point de vue technique, on s’est rendu compte que la ville devait être plus proche de l’Équateur ou du Panama. On voulait aussi un aspect différent des romans dystopiques, on voulait une ambiance plus chaude et un gros meelting-pot pour la ville des survivants, c’est pourquoi on est allé vers quelque chose de plus universel.

Présentatrice : Et pour vous, Iron City était cela ?

Robert Rodriguez (Réalisateur) : Oui, et je l’ai construite, elle est toujours là. Elle a été construite sur le parking d’un aéroport ce qui explique l’espace disponible.

Question du public : Pourquoi avoir fait des gros yeux à Alita ?

Robert Rodriguez (Réalisateur) : C’est quelque chose que j’avais vu dans le scénario d’origine de James en 2005. Avec les premières images du projet que j’avais vu, en regardant un peu de plus près ses bras en porcelaine et puis je me suis concentré sur ses grands yeux du type manga. Quand je les ai vus, je me suis dit qu’on allait vraiment aller vers un personnage en images de synthèse afin de rendre un vrai hommage au personnage original. On avait déjà fait des choses plus réelles que jamais, mais James fait toujours des choses inédites, que se soit dans les Abysses ou lorsqu’il fait couler le Titanic. Là, il voulait un personnage qu’on avait encore jamais vu avant, mais réaliste, c’était le moyen de le faire. Et puis on dit que les yeux sont la fenêtre de l’âme et il nous fallait un personnage qui ait vraiment cette âme. Et Alita est un cyborg, c’est tout à fait normal qu’elle puisse avoir un look différent et si ça la rend un peu plus étrangère, qu’elle ne ressemble pas à tout le monde alors le message est meilleur, ça fonctionnait bien pour le film.

Christophe Caltz (Acteur) : Je suis à la recherche d’histoire, c’est ce qui m’intéresse. Et je me pose la question de ma contribution, en discutant avec Robert, James et Jon, puis après avoir rencontré Rosa, je me suis dit que je pouvais apporter la mienne au projet. S’il y a une histoire que vous aimez, que vous pouvez avoir une place au sein de celle-ci et en plus qu’il y a des gens avec qui vous avez envie d’y être, alors il n’y a pas à y réfléchir plus.

Question du public : Est-ce que vous avez prévu de faire un Alita 2 ?

Jon Landau (Producteur) : Je pense vraiment que c’est le public qui nous dira s’il veut un Alita 2. Kishiro a crée un très vaste monde avec beaucoup d’histoires. Je pense sinon que Robert et James adorerez, et Rosa et Christophe aussi. Nous aimerions tous nous y remettre car ce sont des films où il y a un thème bien plus grand que le genre. En sortant du film, on porte ça avec nous et on a envie de faire des films qui touchent le public.

Christophe Waltz (Acteur) : Et le troisième film est déjà en route.

Jon Landau (Producteur) : Ah vous en avez déjà parlé avec James ? *Rire*

Question du public : J’ai une question concernant les effets spéciaux, je voulais savoir si vous aviez rencontré des problèmes avec le personnage d’Alita, et à quel point les effets spéciaux ont-ils pu avoir un impact sur le jeu des acteurs ?

Robert Rodriguez (Réalisateur) : Pour les effets spéciaux on travaillait différemment avec James, et j’ai appris des choses de lui. C’est assez capricieux, comme je viens du milieu de la BD, quand on a un personnage avec un message, on n’a pas besoin de beaucoup l’expliciter, le public n’en a pas besoin. Mais pour James, ça ne marche pas comme ça. Il va refuser, demander pourquoi on a fait ça et dire qu’on n’y croit pas. Il a une approche différente de la science-fiction et de la fantasy, celles-ci doivent être très ancrées dans la réalité, sinon on n’y accroche pas. J’ai donc compris que je devais changer mon approche et de ne pas trop compter sur les effets spéciaux. C’est comme pour la cité, je devais avoir de véritables décors et de vrais acteurs avec moi. Par exemple, Rosa devait aussi mordre dans une vraie orange. On devait avoir quelque proche de la réalité pour que quand on les remplace par des images de synthèse, il y ait une vraie concordance avec la réalité, que se soit plus crédible.

Cette approche a vraiment déterminé tout le film, car je n’y aurais pas pensé.

Jon Landau (Producteur) : Et toi Rosa ? Dis-nous ce que tu penses de la motion-capture ?

Rosa Salazar (Actrice) : Ça pourrait vous décevoir mais ça n’a eu pour moi aucune différence de faire ce travail de motion-capture que de jouer normalement. Bien sûr, j’ai beaucoup de capteurs, une combinaison recouverte de micros et de batteries et plein de choses accrochées à mon corps et à mon casque, mais ça ne m’a pas vraiment surchargé. Ils m’ont promis que le personnage aurait ma propre performance, que ça serait mon jeu qu’on verrait à l’écran, je devais donc jouer de manière très réelle. Tout cela a été possible, car on nous a donné un environnement où on pouvait vraiment jouer. On avait une vraie ville, alors qu’on a dû passer que trois jours devant un écran vert, ce qui est vraiment rien pour ce genre de film. Pour moi, ça a été vraiment libérateur, ça m’a permis de créer quelque chose de nouveau. Tous les inconforts physiques ont disparu et j’ai pu faire ce que j’ai toujours fait… Habillée en cosmonaute.

Question du public : Une question pour M. Rodriguez, dans la réalisation d’un film, il y a trois phases : écriture, tournage et puis montage. Que pouvez-vous nous dire de votre montage ? Est-ce qu’il y a des choses qui ne sont pas dans le film ? Est-ce que vous allez nous montrer des nouveaux cuts ?

Robert Rodriguez (Réalisateur) : Moi, je suis rentré dans cette production pour pouvoir me faufiler et récupérer les copies et les commentaires afin de comprendre et de découvrir les secrets d’Avatar.

Autrement, pour le montage, en fait, James avait un scénario vraiment très long, il faisait 180 pages ce qui en faisait donc un film de 180 minutes et non de 120 minutes. Je savais que ça n’irait pas du tout avec le studio, j’ai donc dû faire énormément de montage. Mais il n’y a rien qui n’existe pas dans le film, même s’il y a peut-être des scènes un peu tronquées. Par exemple, il y a une scène qu’on a retirée, car on n’en avait pas besoin, c’est une scène où Hugo l’aide à s’entraîner après qu’elle ait fait son premier teste du Motorball. Et une autre après son combat dans l’allée et qu’elle réalise qu’il y a une question de vie ou de mort dans son esprit. On l’a gardé pour un dialogue un peu plus tard. On devait tout resserrer, car le rythme le demandait, mais je ne les mettrais même pas dans le Blu-ray, car on a fait ces découpages vraiment très tôt donc on a pu retravailler dessus ces passages.

Présentatrice : Je voulais parler d’une scène époustouflante où Alita offre littéralement son coeur à Hugo. On n’a en effet pas parlé de l’autre coeur du film qui est cette histoire d’amour. Elle est à plusieurs niveaux, de nos différences, de nos sentiments.

Jon Landau (Producteur) : Pour James Cameron, la scène où Alita dit à Hugo « Je vais te donner mon coeur » était pour lui un point extrêmement important pour l’écriture. Pour lui, lorsqu’on développait l’histoire, tout tournait autour de ça. Mais sur le plan de la métaphore ça a aussi beaucoup de sens, en effet, la science-fiction donne l’opportunité de faire beaucoup de métaphores sur le monde dans lequel nous vivons. Je te donne mon coeur traduit l’amour qu’on peut alors donner aux personnes différentes. Même Iron City est une métaphore de tellement de villes actuelles.

Question du public : En règle générale, les adaptations de manga en film ne fonctionnent pas bien au box-office, est-ce que vous avez eu la pression par rapport à cela ?

Robert Rodriguez (Réalisateur) : Vous savez, je ne connaissais pas bien le manga avant. La première fois que j’ai entendu parler de ce projet, c’était dans les années 2000. J’ai vu une annonce où James projetait de faire ce film, il y avait une photo de lui et une image d’Alita dans le manga. Je me suis dit que je comprenais pourquoi il avait envie de faire ce film, il y avait un personnage féminin très fort et cyborg, c’est ce qu’il aime. Je suis toujours resté un peu loin de cyborg, j’étais curieux, mais je me suis dit qu’on allait découvrir son film d’ici deux ans alors j’ai renoncé à m’intéresser à son histoire.

Ma première confrontation avec cette histoire a donc été lorsque j’ai lu son scénario et j’ai trouvé ça génial. Je n’ai lu le manga qu’après et j’ai découvert la vraie différence par rapport au manga. Je veux dire que ce qu’il a fait en terme de cinéma. Ce n’est pas comme pour Sin City où j’allais page par page et que j’essayais vraiment de traduire à l’écran ce que je lisais. Là, c’était déjà une traduction, une adaptation qu’il a faite de l’oeuvre. Il a pris l’essence du manga, son environnement, même Kishiro, lorsqu’il l’a vu a été impressionné par le corps et les sentiments du film qui allait bien au-delà du manga. On sentait qu’il y avait quelque chose de très spécial, qu’il ne se basait pas que sur la connaissance des gens sur ce manga. Sans essayer d’être vraiment fidèle à chacune de ses images.

Question du public : Dans votre film, on reconnaît beaucoup de références à d’autres blockbusters comme Transformer, Pacific Rim ou Ghost In The Shell, qu’elles étaient donc vos influences ? Quels films ? Et qu’est-ce qui vous a inspiré d’un point de vu artistique ?

Robert Rodriguez (Réalisateur) : Simplement l’art de Kishiro. Les gens me demandent par quoi j’ai été inspiré pour le Motorball, c’est au manga de Kishiro, car c’est son manga à lui à l’origine et que parfois les artistes font des pastiches de ce qu’ils voient, mais si c’est dans le film, c’est que c’était dans le matériel d’origine. Autrement, le concept était l’ancrage dans la réalité, lorsque je filmais une chemise par exemple, je ne m’intéresse pas à l’épaule qu’il y a dessous. Alors que pour James, il faut que tout fonctionne et lui, il veut voir le mouvement de l’épaule dessous la chemise, si elle bouge de la bonne manière. Sinon, il faut tout refaire, car il veut que tout soit réel, ainsi, on est plus sur le réel que sur la fiction.

Christophe Waltz (Acteur) : La forme suit la fonction.

Présentatrice : Merci à tous d’avoir été là et d’avoir répondu aux questions de ce soir.