Rencontre pour Alerte Rouge

Nous avons eu l’occasion d’assister à une séance de questions-réponses avec Domee Shi (réalisatrice d’Alerte rouge) et Lindsay Collins (productrice) suite à une projection spéciale du film.

Attention, certaines réponses peuvent contenir des éléments/révélations concernant l’histoire. Voilà donc globalement ce qui a été dit :

Présentatrice : Pouvez-vous nous dire un petit mot en français ?

Lindsay Collins : Merci pour votre accueil. Nous sommes très ravies d’être à Paris ce soir avec vous, c’est merveilleux, merci.

Domee Shi : J’aime le fromage blanc.

Présentatrice : C’est une histoire assez personnelle pour vous. Pouvez-vous nous dire ce qui vous a inspiré ? Et c’est aussi une sorte d’évolution de votre court-métrage Bao [[Court métrage pour lequel Domee Shi a été oscarisée]], non ?

Domee Shi : Oui, c’est un peu l’enfant spirituel de Bao. J’ai réalisé que j’avais encore beaucoup à explorer dans la relation mère/enfant et, plus particulièrement ici, dans la relation mère/fille plutôt que mère/fils. Je voulais vraiment faire un film pour la fille de 13 ans que j’étais, car c’est terrible à cet âge. Il y a plein de choses qui changent : le corps, les émotions, les poils… ils poussent même là où on pensait ne pas en avoir. Et tout ça c’est normal. Ce n’est pas évident, mais on y survit tous et tous le monde passe par là.

Présentatrice : Lindsay, quelles sont les recherches que vous avez pu faire et quel type de conversation avez-vous pu avoir avec Domee ?

Lindsay Collins : Sur mes recherches, j’en ai fait tous les jours chez moi car j’ai trois adolescents à la maison. Dans l’histoire, j’étais plutôt du côté de la maman. Et en ce qui concerne Domee, j’ai bien aimé Bao et j’étais très curieuse de voir ce qu’elle allait faire avec son premier long métrage. J’ai vraiment lutté pour produire ce film et je ne suis vraiment pas déçue.

Présentatrice : Alors j’ai une question concernant la métaphore sur ce qu’est le gros panda roux. D’où est venue cette idée et pourquoi un panda roux ?

Domee Shi : Je voulais vraiment parler d’une histoire à propos de la magie de la puberté d’une fille pour montrer à quel point cela peut être compliqué. J’ai choisi le panda roux parce que personnellement je les adore et je les trouve sous-représentés dans les médias. Et puis, ils permettent une super métaphore : ils ont beaucoup de poils, ils sont rouge et le rouge c’est la couleur de la puberté, des règles, de l’énervement, de l’embarras, du désir, des premiers coups de foudre d’école. Donc c’était l’animal parfait.

Présentatrice : Est-ce que c’était important d’avoir des femmes en tête du projet pour un film aussi féminin ?

Lindsay Collins : Ce n’était pas un but d’avoir une équipe exclusivement féminine mais quand on a regardé les talents de Pixar, on s’est rendu compte que les personnes qu’il nous fallait étaient des femmes. On avait bien sûr Domee, une directrice technique, et beaucoup de femmes dans les postes clé.

Et ce que j’ai beaucoup apprécié avec une équipe féminine c’est qu’on a pu être en quelque sorte plus audacieuses. Alors que s’il y avait eu des hommes avec nous, on aurait sûrement restreint les idées les plus farfelues. Ils auraient peut-être dit que l’idée était too much ou qu’il ne faudrait pas aller dans ce sens, alors que là on se disait qu’il fallait y aller et même encore plus loin.

Question du public : Une question pour Domee Shi, comment avez-vous eu l’idée de créer le premier boys band de Pixar et pensiez-vous faire plus de chansons ?

Domee Shi : Au début le rôle de 4Towns était beaucoup plus petit. C’était plutôt une sorte de running gag, mais au fur et à mesure, quand on a développé le projet, on a réalisé que ça pouvait être chouette d’avoir un but. C’était plus authentique pour Mei de vouloir aller à un concert du boys band. On a alors créé un plus grand rôle pour eux. On a montré cela aux équipes et tous le monde disait qu’on devait mettre encore plus de 4Towns.

Lindsay Collins : Les gens auraient fait une émeute si on les avaient enlevé du film. Ils ont ainsi de plus en plus de place surtout dans la 3e partie du film.

Domee Shi : Ensuite, pourquoi pas plus de chansons ? Car on n’a pas pu payer plus de trois chansons à Billie Eilish et c’était cher. Pour revenir dessus, la première chanson en est une d’encouragement. Il fallait une chanson que les trois copines puissent chanter à Mei pour lui remonter le moral. La deuxième chanson est un slow. A chaque fois que Mei regarde un garçon et « crush » sur lui, qu’elle a un petit coup de cœur, il fallait une chanson avec des émotions. Et enfin, la troisième devait lui donner de l’énergie, la booster pour gagner de l’argent et acheter des places. On est donc parti sur ces trois chansons-là que Billie eilish et Philippe ont pu faire pour ce film.

Question du public : Quels sont vos personnages préférés et pourquoi ?

Lindsay Collins : Je pense que Mei est mon personnage préféré. Je suis une mère et quand je regarde Mei elle m’inspire. Elle a tellement confiance en elle. Elle est sûre d’elle et a quelques côtés « nuls », pas comme tous le monde, mais elle assume cette différence et elle est bien dans sa peau. Elle ne perd pas cette confiance pendant que le monde autour d’elle est en train d’exploser. Elle garde sa foi on peut vraiment tous s’inspirer d’elle.

Domee Shi : Je vais tricher un peu, mais mes personnages préférés sont les amis de Mei : Myriam, Priya et Abby. Elles sont tellement funs. Je les aime toutes car elles me rappellent mes propres copines. Elles ont toutes les trois leur propre personnalité. Il y a Myriam : elle est la plus garçon manqué. Elle pousse Mei dans d’autres directions que la mère de Mei n’aime pas du tout. Puis Priya : c’est la gothique un peu vampire et sombre. Et enfin Abby, celle qui te défendra et se battra pour ton honneur. J’aurais aimé avoir cette bande de copines.

Question du public : Et si vous pouviez choisir d’être l’une d’entre elles parmi ces trois-là, laquelle ce serait ?

Domee Shi : Priya avec son côté goth et sombre mais aussi son côté très zen que rien ne peut ébranler.

Question public : D’où vient ce côté sororité et l’énergie d’Abby ?

Domee Shi : Pour le côté de sororité, ça vient du fait que je suis fille unique et que j’avais ce genre de relations avec mes copines. Elles étaient comme des sœur. Pour Abby, je me suis inspirée d’une amie. Celle qui fait sa voix est une petite Coréenne à la voix forte.

Question du public : Pourquoi avoir décidé de situer le film en 2002 et quelles sont vos inspirations ?

Lindsay Collins : Domie avait 13 ans en 2002, ça me déprime un peu de dire ça. Et puis à cette époque on n’avait pas les réseaux sociaux. Il n’y avait que la famille et les copains. C’était plus sympa de pouvoir se concentrer sur ça. S’il y avait eu les réseaux sociaux, ça aurait été un monstre de plus à ajouter.

Domee Shi : Concernant mes sources d’inspiration pour le film, disons qu’il me représente et représente ce que j’aime. J’adore les animes… Ils ont quelque chose de coloré avec l’exagération des expressions. J’adore aussi les films Disney. C’est un alliage entre l’animation de l’Est et de l’Ouest. Le film se passe au Canada dans un quartier chinois important. On peut retrouver cela dans ce film.

Question du public : Quel a été le chemin entre Bao et ce long métrage ?

Domee Shi : Juste après Bao, en 2017, Pixar est venu vers moi pour un long métrage. Je travaillais sur trois idées avec des jeunes filles qui grandissent. Et c’est quand j’ai pitché Alerte Rouge que ça a marché, car on est tous passés par là.

Question du public : Pete Docter [[Pete Docter est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain. Il travaille chez Pixar Animation Studios, chez qui il a réalisé Monstres et Cie, Là-haut, Vice-versa et Soul.]], a-t-il eu un regard sur le film ?

Lindsay Collins : Pete a vraiment été un mentor pour Domee et c’est le créateur en chef de Pixar. Il suivait le pitch et le film, et il avait aussi des choses à dire.

Question du public : Je viens aussi d’une famille d’origine asiatique. Comment vos parents ont pris le fait que vous vouliez suivre une formation artistique ? Car habituellement les parents asiatiques mettent plutôt la pression pour être docteur ou avocat.

Domee Shi : Mes parents sont exactement comme ça. Ils s’inquiétaient pour moi et mon choix de carrière artistique. J’ai dû les convaincre que l’animation était un choix sérieux. Un peu comme Mei quand elle veut aller au concert des 4Towns, j’ai présenté un powerpoint.

J’ai vraiment eu beaucoup de chances que mes parents me soutiennent dans mes rêves. La seule condition pour eux c’était que j’y aille, mais que j’y sois la meilleure.

Question du public : À quel point l’histoire a évolué au fur et à mesure de la production ?

Lindsay Collins : Beaucoup de choses ont changé et c’est normal. Cependant, Mei est toujours Mei et Ming est toujours Ming. Ce qui était vraiment fort, c’est qu’on avait des personnages solides et sincères. C’est plutôt ce qu’il y a autour qui a changé. On a fait huit projections du film sur 4 ans de production et, là où on a été bon, c’est qu’on avait une réalisatrice qui savait ce qu’elle voulait.

Domee Shi : Si vous pouvez avoir des personnages solides alors tout ce qu’il y a autour a moins d’importance. Je me souviens parfaitement de ce moment où on est perdu. Il faut alors garder ses personnages comme l’étoile Polaire. Ils nous guident.

Question du public : Pourquoi avez-vous mis de la famille, des amis et un panda roux ?

Domee Shi : Et pourquoi pas ? Car je pense que ce sont les choses les plus importantes dans notre vie. Quand on grandit, les relations changent et évoluent avec sa famille et ses amis. Et le panda roux est une métaphore de cela. Les relations changent forcément, et grandir c’est cela.

Lindsay Collins : Et puis se battre entre mère et fille, ce n’est pas drôle, alors que ça l’est lorsque se sont des pandas géants qui s’affrontent.

C’était une belle rencontre et une discussion riche après un film à regarder en famille ou entre amis. Il ne peut que plaire au plus grand nombre. Merci encore aux équipes de Disney pour cette invitation.

Il manque quelques éléments retranscrits pour la fin de la rencontre car nous avons eu un problème technique.