Sortie de classes – Avis +

Présentation de l’éditeur

Prof de français dans un collège de banlieue, Julien est, comme tous ses collègues, submergé par la pression du système éducatif, la détresse de parents en pleine misère sociale, et la dérive d’enfants sans avenir. Le jeune agrégé ne fonde guère d’espoir dans les vertus d’un métier qui consiste à valider ce qui existe.

Issu d’une famille bourgeoise, il est en décalage avec ses élèves et une partie des professeurs. Son intérêt pour un gamin solitaire et mutique va le replonger dans ses années d’adolescence, hantées par le souvenir d’un ancien ami, souffre-douleur de sa classe.

Reddition, impuissance, désillusions, sentiment d’imposture… un tableau saisissant du monde enseignant et de ces professeurs qui errent entre espoir et découragement, lassitude et ennui. Un roman générationnel qui confronte les années SOS Racisme à l’époque actuelle, où internet a remplacé la sociabilité mais pas la cruauté des élèves.

Avis d’Emilie

Ce curieux roman présente la relation élève/professeur et professeur/élève à travers un jeu de flash-back venus d’un souvenir perdu. Julien est professeur de français dans un collège dit « difficile ». Il nous parle à la première personne de son métier, de ses moments de découragements, de ses efforts, le tout avec un cynisme qui a de quoi effrayer les parents de collégiens qui le liront. En effet, il ne se fait aucune illusion sur son rôle et n’a jamais ressenti de vocation et n’a pas d’aspiration à une mission sacrée.

En effet, Julien ne se fait aucune illusion. Il sait que l’école est un système dépassé, et que seuls les plus malins (comprendre ceux qui savent baratiner et tricher), et non les plus intelligents s’en sortiront. C’est-à-dire deux ou trois élèves par classe.

On ne peut que poser un avis mitigé sur ce roman. Car c’est bel et bien un roman, mais il est pourtant présenté comme un témoignage. La narration à la première personne n’est sans doute pas le choix le plus judicieux de l’auteur. En effet, on sent qu’il n’est pas professeur lui-même.

Régulièrement, le narrateur se plaint de finir à 17 heures à cause de réunions avec les parents, ou de conseils de classe. Quand on connaît le métier, on sait que ces réunions ont plus facilement lieu à 18 heures, voire 19 heures ! Et lors de conseils de classe ou de discipline, une sortie à 21 heures est chose commune.

Par ailleurs, il s’interroge sur l’orientation de certains de ses élèves sans jamais mentionner de conseiller d’orientation. La relation tendue avec le proviseur est également assez étrange. Une biographie aurait été intéressante dans le cas de cet auteur, mais la seule chose qu’on peut trouver en ligne, c’est que Sortie de classes est son premier roman. Dans cette optique, il ne faut donc pas oublier qu’on se trouve face à un roman, et non un témoignage, c’est important. Mais un aspect autobiographique pourrait peut-être enrichir notre sentiment après lecture.

En ce qui concerne l’histoire à proprement parler, elle est très intéressante et prenante. Un soir, Julien se remémore une camarade de classe, partie en pleurant. De fil en aiguille, il se rappelle alors d’une amitié peu commune avec un autre camarade. Il va chercher à le contacter, et, en rencontrant d’anciens camarades, il se rend compte qu’il n’était pas vraiment celui qu’il croyait. Ce qui l’amène à s’interroger sur son métier et sa relation aux élèves.

Régulièrement confronté au racisme, au sexisme, à l’échec scolaire, il se demande comment aider ces gamins, qui ne se rendent pas compte que leur réussite à l’école est tributaire de leur avenir. Julien sait que l’école n’est qu’une validation sociale, et qu’elle ne mesure en aucun cas l’intelligence individuelle. Néanmoins, elle est un outil obligatoire pour la future vie professionnelle.

On aime vraiment ces récits croisés entre le présent du professeur et son passé d’élève. Cela permet d’aborder de nombreux thèmes, de comparer les situations politiques, économiques et sociales d’aujourd’hui à celles d’il y a 20 à 30 ans. Le narrateur est relativement lucide, mais aussi assez paumé. Il a une vie intérieure riche, bien que désabusée, mais ne fait aucun effort pour la faire évoluer.

On le sent amer. Il n’a pas été fidèle à l’enfant qu’il était. Sa relation amoureuse part à vau-l’eau, sans qu’il ne fasse rien ni que ça l’atteigne. Régulièrement, on a envie de le secouer et de lui dire de se bouger. Devant ce prof désemparé, on ressent une profonde empathie, parfois une certaine solidarité. Toutefois, ce personnage complexe inspire aussi une profonde antipathie.

De nombreux sujets annexes sont également présents : le narrateur vit une amourette avec la femme d’un ses collègues et ami (le fait d’être l’amant ne l’émeut pas plus que ça), il essaye de s’inscrire à un jeu vidéo pour être plus proche de ses élèves, s’interroge sur le voile des femmes musulmanes… Certes, ces sujets évoqués sans grande réflexion sur le fond sonnent comme autant de petites digressions. Pourtant, elles apportent aussi une vraie richesse à l’œuvre, rendent le narrateur humain.

On ne saurait que trop conseiller cette lecture, qui permet de s’interroger sur le rôle de l’école, un sujet de choix en cette veille de rentrée des classes.

Fiche technique

Format : broché

Pages : 272

Editeur : Albin Michel

Collection : Littérature générale

Sortie : 1 septembre 2016

Prix : 18 €