Trilogie Millenium – Avis +

Millenium est une véritable œuvre littéraire qui mêle le suspens et une étude psychologique profonde des personnages, à une analyse de la société suédoise, nous plongeant dans son histoire politique passée et actuelle. Stieg Larsson a su créer dans ses livres une atmosphère qui piège le lecteur dès les premières pages malgré le rythme assez lent de certains passages.

Ses romans mettent en scène, deux personnages principaux :

– Mikael Blomkvist dit « super Blomkvist », journaliste d’investigation dans un magazine économique Millenium. Brillant, têtu, acharné c’est un homme de quarante cinq ans, divorcé et aimé des femmes. Stieg Larsson a certainement mis beaucoup de ses convictions dans ce personnage qui s’efforce de dénoncer les dysfonctionnements de la société suédoise. « Il était d’avis que la vraie mission du journaliste économique était d’examiner les chefs d’entreprise avec le même zèle impitoyable que les journalistes politiques surveillent le moindre faux pas chez les ministres et les parlementaires ».

– Lisbeth Salander, vingt-six ans, 1m54 pour 42 kilos est une jeune fille à l’enfance marquée par un lourd secret (le jour où Tout Le Mal est arrivé) qui a conditionné sa vie. Tatouée, piercée, associable, souffrant d’une forme de syndrome d’Asperger, hackeuse hors normes avec une morale très personnelle, c’est un être extrêmement attachant. «…fille pâle, d’une maigreur anorexique avec des cheveux coupés archi-courts et des piercings dans le nez et les sourcils. Elle avait un tatouage de guêpe de deux centimètres sur le cou et un cordon tatoué autour du biceps gauche. ..Elle avait aussi un tatouage dans le dos représentant un dragon. Rousse à l’origine, elle s’était teint les cheveux en noir aile de corbeau …». Elle est la véritable héroïne de cette trilogie. L’auteur l’a créée en faisant de nombreuses références au personnage de la romancière suédoise Astrid Lindgren, Fifi Brindacier, Pippi Långstrump dans le texte original, qui « a contribué à lutter contre les représentations stéréotypées et sexistes des enfants dans les livres jeunesse »[[Wikipédia]] et qui a été censurée à l’origine dans de nombreux pays conservateurs et totalitaires. Petite rebelle rousse de neuf ans, pas plus haute que trois pommes, elle possède un coffre rempli de pièces d’or, ne dépend de personne, vole au secours des plus faibles, remet en question l’autorité sous toutes ses formes et vit dans une maison appelée Villa « Villekulla ». Ce n’est donc pas anodin si Lisbeth inscrit sur la porte de son appartement V. Kulla.

Mais les quelques cinquante personnages secondaires de son roman, tous décrits avec une réelle profondeur, ne sont pas là pour faire de la figuration. Ils sont indispensables au déroulement de l’histoire, chacun de leurs actes, chacun de leurs secrets, a une répercussion sur la vie de tous les autres.

Dans le tome 1, Les hommes qui n’aimaient pas les femmes, Mikael vient d’être condamné pour diffamation, l’industriel véreux sur lequel il enquêtait ayant réussi à le piéger. Il est alors contacté par un vieil homme d’affaires Henrick Vanger qui lui demande d’écrire l’histoire de sa famille et d’enquêter sur la disparition de sa nièce, disparition toujours non résolue depuis 1966. C’est au cours de cette recherche que la route de Mikael croisera celle de Lisbeth (vers la trois centième page). C’est aussi l’occasion pour le lecteur de se plonger dans l’histoire de la Suède, son passé trouble de collusion avec le nazisme et les magouilles économiques. La résolution de l’énigme fera ressurgir de sombres secrets de famille justifiant le titre. A noter que la violence faite aux femmes est un thème récurrent aux trois tomes.

Dans La fille qui rêvait d’un bidon d’essence et d’une allumette, les fils qui ont été noués entre Mikael et Lisbeth dans l’aventure précédente vont se distendre. Lisbeth est amoureuse de Mikael et elle, l’enfant qui n’a jamais connu l’amour, ne trouve qu’une solution pour gérer ce qui la déstabilise : la fuite. « il ne le saurait jamais . Elle ne lui donnerait jamais la satisfaction de se réjouir de ce qu’elle ressentait pour lui ». Mais elle se retrouve, malgré elle, étroitement mêlée au meurtre d’un journaliste de Millenium qui enquêtait sur les réseaux de prostitution en Suède. Voilà le lecteur plongé dans une enquête dont les racines prennent naissance au cœur de la guerre froide et qui va faire remonter les fantômes du passé de Lisbeth. Quels sont les liens qui unissent la Säpo (service de sécurité de la Suède), le GRU (le plus secret des services de renseignement militaire de l’Union soviétique) et le journaliste assassiné à Lisbeth et son tuteur ? Tout s’imbrique parfaitement dans cette énigme brillante au rythme beaucoup plus soutenu que dans le premier tome.

Le troisième tome a pour titre La reine dans le palais des courants d’air, la reine c’est Lisbeth, le palais celui de la cour de justice et les courants d’air font référence à toutes les ouvertures dans les services gouvernementaux dans lesquelles s’infiltre une Säpo, en partie hors de contrôle… à moins que Larsson n’ait repris l’humour des copains hackers de Lisbeth : « – Comment vas-tu ? demanda Trinity – J’ai un trou dans le crâne – Je remarque aucune différence constata Bambi – elle a toujours eu de l’air dans le crâne dit SisterJen ». Le combat que Mickael va mener pour sauver Lisbeth de l’enfermement psychiatrique le conduira dans les mouvances de la Säkerhetspolisen. Et le journaliste en Larsson ressurgit en dénonçant le manque de contrôle parlementaire sur les services de sécurité de l’état dont il laisse entendre une responsabilité dans l’assassinat Olof Palme et les différents scandales qui s’en suivront. Pour qui ne connaît pas l’histoire de la Suède, l’auteur nous invite ainsi à une véritable leçon politique.

C’est avec énormément de peine que nous fermons ce dernier volume, la mort brutale de Stieg Larsson nous prive à jamais des aventures de super Blomkvist, de sa Fifi Brindacier gothique et des autres personnages secondaires auxquels nous nous étions attachés. Millenium restera ma révélation littéraire pour 2007.

Fiche Technique

Format : broché
Editeur : Actes Sud
Collection : Actes Noires
Prix : 68,80 €