Un train pour Ballarat – Avis + et +/-

Résumé

L’honorable Phryne Fisher part en train à Ballarat, sa femme de chambre ayant peur en voiture. Pendant la nuit, une forte odeur de chloroforme la réveille et elle constate que le wagon entier et sous l’emprise de ce narcotique.

Le temps de faire évacuer les blessés et de renouveler l’air, on s’aperçoit qu’il manque un voyageur, une vieille femme irascible qu’accompagnait sa fille, brûlée au visage par un chiffon chloroformé trop dosé.

Forcés de s’arrêter à la prochaine ville, l’enquête démarre après que l’on ait retrouvé le corps de l’infortunée, qui après sa mort a été violemment piétinée…

Avis de Marnie

Peut-on vraiment créer une intrigue policière sans aucune réflexion ou analyse ? Et bien pas vraiment. J’avoue que toute contente de découvrir une héroïne australienne, détective privé, je me suis jetée dans ce roman d’à peine 200 pages… pour éprouver à la fin une certaine déception.

Tout d’abord, j’ai apprécié l’idée de faire commencer l’intrigue à la première phrase. Les évènements qui précèdent nous seront racontés incidemment en quelques lignes lorsque les protagonistes seront interrogés. Mais justement, ce qui est une qualité, soit une introduction sans tambour ni trompette, devient assez rapidement un défaut. Il y a l’écriture introspective (ou seule la pensée du héros nous guide) l’écriture cinématographique (on imagine facilement quel scénario on tirerait de l’histoire, très visuelle) l’écriture clip (par petits morceaux de puzzles qui soudain se mettent en place) et bien ici, c’est une écriture radiophonique. Ils parlent et agissent, sans qu’il y ait une seule ligne concernant un possible raisonnement, une quelconque réflexion.

Seule l’action prédomine : tout d’abord dans le train et la gare, ensuite la maison de l’héroïne à Melbourne, le quartier chaud de la ville, une réunion d’étudiants, et une pension de famille pour agrémenter le tout. Il n’y a même pas une ligne pour décrire Melbourne en cette année 1928. Seuls les habitudes et les vêtements de l’héroïne nous replaceront dans l’époque (fumeuse, attitude très “années folles”). Cela pourrait se situer à Londres ou à New-York que nous ne verrions pas la différence. Pour être tout à fait honnête, l’intrigue évoque tout de même le désastre du système social australien, la déplorable gestion des orphelinats et l’inhumanité des travailleurs sociaux, qui comme chacun sait, ont été dénoncés depuis dans maints ouvrages et films. Mais ici, c’est pour en faire un élément de l’histoire.

Comme l’auteur a écrit une quinzaine de livres mettant en scène son héroïne Phryne Fisher ainsi que les personnages récurrents, ils viennent tous dans le roman faire leur petit numéro, intervenants pittoresques et hauts en couleur. Mais là encore, aucune introspection, et deux lignes de description. Seuls des dialogues vifs et, certes, pleins d’humour, pimentent une intrigue totalement dénuée de mystère. Quand on prend en compte que le livre sort dans la collection «grands détectives», et que l’on s’aperçoit qu’il n’y a qu’un suspect depuis le début, le dénouement est totalement prévisible… (à ce point, j’en suis même restée ébahie !)

Les dialogues sont bien ancrés dans l’époque, par contre. Quand la jeune héroïne parle de son amant, c’est “mon doux chéri”, “mon beau jeune homme”, avec un fox-trot avant la scène de séduction pour se mettre dans l’ambiance. Les échanges assez vifs, ponctués de muffins et de thé servis par une gouvernante sortie d’un roman de Agatha Christie apportent ce ton suranné que l’on aurait aimé bien plus fouillé. Les “vilain chaton”, “Diable !” “coquin”… se dispersent par ci par là, au détour du quartier chaud de Melbourne où résonne des morceaux de jazz, avec vaudou en prime, tel un gros clin d’œil à la Nouvelle Orléans, visité en compagnie d’une prostituée flamboyante. Le chapitre précédent, nous avions droit à des étudiants qui pratiquent l’aviron, un inspecteur de police volontairement fade et insignifiant mais plein de sagacité, sans oublier deux chauffeurs de taxi, enquêteurs lorsque l’affaire leur plaît.

Il est évident que seul le second degré et la volonté de donner un ton sarcastique et piquant intéressent Kerry Greenwood, au détriment malheureusement du récit. Ses personnages et leurs dialogues sont vraiment amusants, mais malgré la présence d’une petite orpheline touchante, rien ne laisse place à l’émotion. Exercice de style, bouclé en 200 pages, un petit roman plein de vitalité mais totalement vide, que l’on peut lire dans le TGV en partant en vacances, avant d’entamer sur la plage le roman inoubliable de l’été…

Avis de Valérie

Les années 20 en Australie ? Il faut l’avouer, on ne connaît pas bien le contexte. C’est pourquoi la lecture se fait « en aveugle » puisque nous avançons sans présumer des habitudes de l’époque et du lieu. Si le sang qui coule dans les veines de l’honorable Phryne est typiquement australien (aventureux, indépendant avec un soupçon de mauvaise fille), on y retrouve une bonne pinte d’hémoglobine britannique notamment destiné à angliciser son humour !

Phryne est une garçonne des années folles, les cheveux coupés court, la jupe de longueur inconvenante et la cuisse légère, elle surprend en permanence par ses moeurs délurées mais aussi par son bon sens ancré dans la réalité. Malgré ses origines très modestes, elle est à 30 ans à l’abri du besoin est vit dans une belle demeure avec ses domestiques. Sa réputation de détective la précède partout où elle se rend.

L’enquête en elle-même est classique tout en se mélangeant avec d’autres faits de sociétés ou d’autres investigations mineures qui rendent le récit bien plus attachant qu’attendu. Mais ce qui séduit le plus est l’ambiance unique mais aussi le caractère bien trempée de l’héroïne, son attachement à ses subordonnés et son grand coeur face aux injustices de l’existence. De plus, elle n’hésite pas à faire appliquer sa propre loi et on trouve en elle un peu de Calamity Jane mais particulièrement tolérante et amoureuse des plaisirs de la vie.

Au panthéon de nos enquêtrices préférées, elle grimpe rapidement les échelons pour ravir la première place.

Les deux premiers tomes de ses aventures sont déjà sortis chez 10/18 et le prochain arrive sur les rayons de nos libraires en octobre.

En attendant, visitez son site (pour les anglophones) qui brosse le portrait des nombreux protagonistes de la saga ainsi que des expressions anglaises qu’utilise l’auteur et leur traduction en anglais courant.

Fiche Technique

Format : poche
Pages : 204
Editeur : 10/18
Collection : Grands détectives
Genre : policier historique (Australie pendant les années folles)
Sortie : 1 février 2007
Prix : 6,90 €